Si le grand ovale ci-dessus représente une réalité et que l'on veut la décrire par ses caractéristiques quantitatives, on n'en dépeint que le petit rectangle. Pour donner un exemple trivial, donner comme caractéristique d'une réalité : 170, 90, 60, 90 cm peut donner une idée de la silhouette du sujet dont il s'agit, mais c'est très réducteur de ce qu'elle est.
Entourant le champ de ce quantitatif, il y a celui du qualitatif dont le grand rectangle représente la partie rationnelle. Dans ce champ, on peut expliquer le pourquoi de ce que l'on affirme et qui devient une certitude basée sur ce que valent ses prémisses, axiomes, postulats ou paradigmes clairement identifiés, donc soumis à la raison.
Le petit ovale visualise alors tout le secteur dans lequel on a des idées bien arrêtées, mais non démontrables : c'est le domaine de nos convictions … dont il faut rester conscient, qu'elles peuvent, légitimement, être partagées ou non, mais nul ne doit pouvoir démontrer qu'elles sont illogiques.
Il est bien clair qu'il ne faut pas confondre conviction et certitude. De ce point de vue, la querelle entre Abélard et St-Bernard sur la supériorité relative de la raison et de la révélation me semble un faux problème, car elles sont complémentaires l'une de l'autre.
Bien évidemment l'irrationnel n'a rien à voir avec l'illogisme !
Il est important d’ouvrir sa pensée à la totalité de ses potentialités sans se limiter au territoire du raisonnable. En arabe, la racine du mot raison, ai-je lu, est « entrave du chameau » … qui l’empêche d’explorer des ailleurs : ne nous entravons pas en restant conscient des différences.
Croire en l’importance de l’irrationnel qui est une faculté un peu mystérieuse du cerveau, mais s’en méfier … car, comme la fameuse intuition féminine, les erreurs sont fréquentes.
Lorsqu’un problème se pose directement dans le champ du rationnel, il suffit de demander à un expert de dire la solution.
Lorsqu’il se situe dans le champ de l’irrationnel, le responsable peut avoir la tentation de faire immédiatement son choix en se fiant à son intuition, fruit de son expérience. La bonne démarche est d’abord d’exploiter les possibilités de notre raison pour tenter de comprendre les tenants et aboutissants afin d’étendre le champ du rationnel jusqu’à englober le problème en cause. Ce n’est qu’en cas d’impossibilité qu’il faudra trancher dans l’incertitude.
Les utiliser pour imaginer des solutions plausibles - mais pas certaines - qu’il faudra tenter de valider par le raisonnement … donc de rapatrier le problème dans le champ du rationnel et transformer le choix en identification d’une solution.
Dans le même esprit, on peut limiter le champ de l’informatique au champ du rationnel en distinguant le simple algorithme ne permettant qu’un seul enchaînement de calculs des combinatoires permises par les systèmes experts.
Le champ de l’irrationnel va accueillir l’intuition avec la recherche à sa périphérie.
Dans le champ du rationnel, on peut dire que l'on perçoit la réalité en cause dans une partie de ses tenants et aboutissants. Ces convictions sont forgées par ce que l'on sait, mais que l'on n'a pas (encore ?) réussi à suffisamment structurer pour arriver à sa compréhension.
Un responsable technique évolue essentiellement dans le champ du rationnel en apportant des réponses aux problèmes qu'il rencontre. Le chercheur évolue à la fois dans le champ de l'irrationnel pour trouver des théories expliquant le savoir et aux frontières de ce savoir pour en accroître la surface.
Notre savoir est plus vaste que notre comprendre : c'est la différence entre les deux qui forme l’expérience.
Le comprendre peut se transmettre à un tiers puisque l'on peut l'expliquer, mais l’expérience reste incommunicable, car on ne sait trop d'où elle provient … ce qui explique l’intérêt des vieux crocodiles par rapport aux jeunes loups.
Le contrôle de gestion s’exprime, presque toujours, dans des tableaux de chiffres qui ne peuvent exprimer qu’une portion limitée de la réalité.
Il faut donc inclure dans ses indicateurs des éléments qualitatifs qui ne seront pas stricto sensu des outils de mesure, mais des repères (si on rassemble deux masses à une même température, elles donnent bien naissance à un nouvel objet de masse “mesurable” double, mais la température “repérable” reste la même).
Les chiffres peuvent aussi induire des raisonnements faux : l’histoire de la tortue (ou flèche) et d’Achille en est un exemple bien connu.
Le management inclut la gestion, mais la dépasse, car il doit prendre en compte tout l’humain … dans des proportions croissantes avec le niveau de responsabilité.