L'attitude des responsables vis-à-vis des consultants présente toute une palette depuis celui qui lui fait faire son travail jusqu'à celui qui n'en veut à aucun prix.
La très grande majorité y à recours, mais il n'est pas inutile de préciser ce que l'on peut en attendre et ce qu'il peut apporter.
Les raisons pour lesquelles un responsable peut faire appel à l'expertise d'un consultant sont variables et, éthiquement, de valeur variable.
- Dans une intervention "intuitu personæ", c'est l'effet miroir, confident ou clarification qui est le plus important. Plus d'une fois, il m'est arrivé, par l'écoute, la reformulation et le questionnement, d'entendre un patron me dire brusquement "j'ai compris" alors que je ne saisissais pas encore très clairement quelle était la problématique. J'ai alors toujours demandé qu'il m'explique la situation en cause à la lumière de son nouvel éclairage … ce qui était un moyen de l'obliger à la formuler clairement … tout en me permettant, à mon tour, de comprendre.
- Souvent aussi, un consultant est appelé lorsqu'un responsable a l'impression d'être en face d'un inextricable écheveau de contradictions. Son rôle sera alors de réussir à identifier quel est au juste la difficulté qui est noyée sous une masse d'informations secondaires, voire parasites. Pour accoucher, il lui faut disposer d'une série de méthodes pertinentes, d'expérience de situations similaires et de la maîtrise des techniques d'animation pour permettre aux participants de s'exprimer pour, progressivement, cerner les contours de la difficulté.
- On peut aussi lui demander de conduire un audit et, par des enquêtes, entretiens, visites des lieux, analyser la situation pour proposer un programme d'action. C'est lui qui va être chargé d'identifier les pistes de progrès.
- Certains consultants sont essentiellement des experts d'un domaine particulier. On leur demande de transmettre leur savoir, mais s'il préfère souvent prescrire la solution sans trop révéler les attendus de sa recommandation.
- Il peut aussi être sollicité lorsque les relations humaines, dans une équipe pluridisciplinaire, sont dégradés au point que les collègues ne s'entendent plus. En faisant preuve de diplomatie, il va permettre à chacun d'écouter puis de prendre en compte le point de vue des autres acteurs de la difficulté, avant d'ouvrir le chemin de la recherche de compromis raisonnable.
- Son expertise peut aussi être sollicitée pour remplir un emploi au sein d'une entreprise sous la direction de la hiérarchie. Ce sont alors ses compétences et son expérience qui sont embauchés pour une durée déterminée.
- Enfin, il existe des responsables (manipulateurs ou psychologues) qui utilisent un consultant pour lui faire dire au personnel ce qu'il ne veut pas (à tort ou à raison) annoncer lui-même. Ce rôle qui peut devenir celui d'un bouc émissaire ou d'un pantin est évidemment sujet à discussion concernant la dimension éthique des choses.
Cette manière de tourner en dérision le métier de consultant n'est pas aussi rare que pourrait le laisser penser le nombre de responsables qui font appel à leur savoir-faire.
Je ne résiste pas au plaisir de rappeler une autre manière de définir un consultant : c'est une personne à qui on demande l'heure, il prend votre montre, vous y lit l'heure … et garde la montre en paiement. Mon ambition avec cet ouvrage est de vous apprendre à lire l'heure en espérant néanmoins que … vous me donnerez votre montre en reconnaissance !
Un des avantages du consultant est qu'il n'est pas impliqué dans le jeu hiérarchique qui introduit des distorsions dans la communication entre les membres d'une entreprise. Il peut se permettre, avec tact bien évidemment, de dire leurs quatre vérités aussi bien aux collaborateurs qu'à leurs patrons. Il a, grâce à sa position semi-externe, une possibilité d'être perçu comme un interlocuteur neutre et réputé impartial. Je l'ai vécu d'une manière quasiment caricaturale lorsque j'ai conduit des opérations de conseil dans l'entreprise où j'avais été cadre supérieur : mes anciens patrons m'écoutaient avec beaucoup plus d'attention, mais je dois à la vérité de dire que je m'exprimais avec beaucoup plus de vigueur …
Le regard neuf, mais expérimenté, repère des anomalies que les habitués ne perçoivent plus. Combien de fois, appelé par un responsable pour traiter un problème, j'ai diagnostiqué autre chose après avoir fait le tour de la situation. Je pense par exemple à une communauté monastique qui se sentait débordée de travail et qui souffrait surtout de beaucoup de gaspillage d'énergie par suite d'une organisation chaotique.
Ce positionnement lui donne fréquemment l'occasion (en tout cas cela m'est fréquemment arrivé), par une attitude d'écoute, de recevoir des observations, manifestement hors sujet de sa mission : lorsqu'une personne est écoutée, elle a naturellement tendance à confier ce qui lui tient à cœur. Cela donne une occasion de jouer les "monsieur bons offices" pour aider les deux parties à amorcer un dialogue. Un problème de marketing a ainsi permis de mettre au jour une difficulté de rémunération.
Lorsqu'il connaît bien un type d'activité, il est possible, sans trahir la juste confidentialité, d'identifier les domaines dans lesquels une entreprise a le plus de progrès à faire par rapport à ses concurrents. Je me souviens d'un grand groupe chimique dont l'organisation territoriale était devenue archaïque par rapport à ses compétiteurs qui donnaient la primauté aux DAS.
Sa fréquentation de multiples autres entreprises dans tous les types d'activité, lui permet des comparaisons qui sont du "métabenchmarking" valable par analogie. Venant du monde de la chimie, j'avais été effaré du taux de second choix d'un grand producteur de tôle d'acier (plus de dix fois plus important). Sans connaître au juste les raisons de la performance de chacune de ces industries, mon étonnement a suffi pour lancer un groupe de progrès sur le sujet.
Certaines activités ont été conduites, compte tenu de leurs spécificités, à trouver le moyen de surmonter des difficultés spécifiques. J'ai, ailleurs dans cet ouvrage, cité la minutie du ballet de l'automobile, la complexité de la chimie ou la gestion du temps pour l'informatique. Le consultant au contact de ces diverses activités peut aider à une fertilisation croisée.
Enfin, un consultant n'est pas sur chantier toute l'année, il peut et doit prendre le temps de réfléchir à ce qu'il voit pour comprendre ce qui peut être commun, avec des pondérations variables, à toutes les activités. C'est lui, avec les professeurs d'université, qui peut faire émerger de nouveaux concepts et d'en déduire, pour leur mise en œuvre, des méthodes et techniques mis à l'épreuve du vécu terrain.
Traditionnellement, un organigramme présente la direction à son sommet (pour bien montrer que tout émane d’elle ?). L’inconvénient est que les clients sont au contact des vendeurs situés à la base de la pyramide ainsi constituée. Il est vrai que ce sont eux qui apportent à l’entreprise les ressources dont elle a besoin pour vivre, mais cette image donne l’impression que la structure l’écrase. Il a donc semblé plus satisfaisant de “renverser la pyramide“ pour que le client soit “porté“ vers son succès par les moyens de l’entreprise.
L’inconvénient de cette représentation est que l’ensemble paraît instable ! Sous forme de boutade, on peut alors imaginer que des consultants (charité bien ordonnée …) jouent le rôle de stabilisateurs … mais comme il est rare d’en consulter deux … on peut alors accélérer la perte d’équilibre !
C’est un de mes stagiaires, iconoclaste sans doute, qui a proposé de supprimer la pointe de la DG pour améliorer la stabilité …. Simple plaisanterie … of course !