Les décisions stratégiques dans le domaine les achats concernent le choix :
- l'organisation (structure et fonctionnement dont les modalités ne sont pas spécifiques de la fonction achat),
- les investissements lourds comme la mise en place de cellules de sourcing … qui relève du choix de la structure de l'organisation ou du système informatique de gestion qui ne peut être paramétré que lorsque les processus spécifiques aux achats sont définis,
- faire ou acheter,
Il peut aussi exister des contraintes imposées par la direction générale au nom de la stratégie des activités … comme, par exemple, l'obligation d'acheter aux filiales du groupe même si elles ne sont pas les plus compétitives ou l'interdiction de se fournir chez des concurrents ou l'obligation de le faire pour certains … tout cela ne se justifiant, en vertu du théorème de Bellman, que par l'objectif d'améliorer des intérêts supérieurs.
Au plan opérationnel, d’autres particularités existent :
- le processus achat … avec ses moments clés,
- les composantes de la demande … qui dépasse le bien à acquérir,
- la psychologie de l’acheteur professionnel … qui n’a souvent le choix qu’entre une petite dizaine de fournisseurs et qui ne peut donc se fâcher avec plus de cinq (le vendeur dispose le plus souvent d’une palette plus large),
- le vendeur agit souvent seul … pour les achats seules les commodités relèvent de cette solitude,
- la concrétisation de la commande varie aussi selon la nature de l’achat,
- la gestion des stocks mérite aussi réflexion … le minimum n’est pas forcément l’optimum …
Les étapes à respecter avec plus ou moins d'importance selon la politique choisie. Chacune se termine par une décision à prendre :
- Quels sont les éléments cruciaux du besoin ? Ses facettes : sa finalité (comment va-t-on en tirer une création de valeur, quelles sont les fonctions qui doivent être satisfaites, quel est l'ordre de grandeur des moyens humains et financiers nécessaires pour se procurer les biens, quelles sont les dates ou durées clés à respecter ?)
- A quel type d'achat faut-il rattacher ce besoin ? Quels sont les fournisseurs susceptibles d'être consultés ? Quel système acheteur faut-il mettre en place ?
- Qui informe-t-on du besoin ? Que dit-on aux candidats fournisseurs en première approche puis en final ?
- Qui effectue l'analyse comparative des offres ?
- Qui sont les candidats conservés pour la liste courte ?
- Qui conduit la négociation selon quel type de politique ?
- Qui effectue la mise en équivalence ?
- Qui décide du (ou des) fournisseurs retenu(s) ?
- Qui prend en charge l'approvisionnement dans le respect des conclusions de la consultation ?
- Qui traite le litige et l'évaluation ?
Les compétences demandées à chaque phase ne sont pas les mêmes, mais chacune aura une part de responsabilité dans le résultat. Il est important, pour les processus majeurs (à sélectionner en fonction de la typologie propre à chaque entreprise) de préciser quelle est la nature de la responsabilité et donc des pouvoirs de chacun des acteurs à chaque point de décision.
- L'expression du besoin implique le plus souvent le responsable du serpro Serpro = Ceux des produits et services qui permettent au client de créer de la valeur. et la technique.
- Le marketing achat relève clairement du service achat aidé de la technique pour bien évaluer les compétences du fournisseur potentiel.
- Le cahier des besoins va rajouter l'acheteur aux acteurs de son expression puisqu'il s'agit de l'exprimer en termes compréhensibles pour les candidats.
- La consultation préliminaire est fondamentalement du ressort des achats.
- La liste restreinte est choisie par les mêmes personnes que le cahier des besoins en étudiant le cahier des charges (en termes techniques) proposé par les postulants.
- La négociation est de la responsabilité première de l'acheteur.
- La mise en équivalence exige une coopération étroite avec la technique.
- Le choix du fournisseur doit être effectué par accord entre les responsables de l'activité et les achats.
- L'approvisionnement est souvent confié à la production.
- Le litige demande de nouveau l'intervention de l'acheteur et du responsable produit.
L'acheteur doit donc coopérer avec les autres membres de l'équipe pluridisciplinaire en charge d'une activité.
Entre ces instants de concertation, la configuration du processus va définir la manière performante (efficacité et efficience) d'accomplir les tâches qui ne demandent pas d'effectuer des choix.
Les relations avec un fournisseur sont à la fois de nature coopérative et conflictuelle. Pour en avoir une idée plus claire, considérons les diverses composantes de l'offre d'un fournisseur pour en déduire des tactiques à appliquer à chacun d'eux.
Le serpro Serpro = Ceux des produits et services qui permettent au client de créer de la valeur. doit faire l'objet du maximum d'attention pour identifier tout ce que l'on aura intérêt à acheter au fournisseur (cf. : Valeur Client) puisqu'il permet d'augmenter sa valeur ajoutée … si le prix proposé n’est pas trop élevé. Le fournisseur partageant la même préoccupation, la coopération peut être très partenariale.
Le noval Noval = Ceux des produits et services qui ne peuvent être évités, mais qui ne permettent pas au client d'enrichir son offre. présente, pour l'acheteur, un caractère entropique : un mal inévitable, mais dont on ne peut rien tirer. De son côté, le fournisseur, sauf exception, répercute ces dépenses à prix coûtant. Il n'y aucune situation conflictuelle à chercher ensemble à les réduire au maximum : ici encore une attitude coopérative est la bonne attitude.
Le relationnel : à moins d'être masochiste ou sadique, il n'y a aucun avantage à créer une ambiance conflictuelle ou désagréable : on peut ne pas traiter avec un candidat sans être en conflit. Il faut savoir se montrer agréable avec ses fournisseurs actuels ou potentiels : seuls les esprits faibles peuvent trouver une satisfaction malsaine à abuser de leur pouvoir …
La contrepartie : il est clair que le fournisseur a besoin de recevoir en retour de ce qu'il apporte une juste "contrepartie" pour lui permettre, s'il est compétitif en coût de production, de survivre correctement.
Certes le prix en sera un élément clef et avec des intérêts fondamentalement divergents, mais il faut aussi se soucier d'identifier les petits plus que l'on pourra offrir parce qu'ils nous coûteront peu, tout en ayant une valeur substantielle pour le vendeur : ici encore une recherche en commun peut être de nature à objectifs partagés. Le prix restera un sujet d'opposition tout en sachant qu'il vaut mieux un bon fournisseur un peu cher qu'un mauvais économique.
On peut d'ailleurs noter que la logique du prix a évolué au cours de ces dernières décennies :
- tant que la demande est supérieure à l'offre, son niveau est égal au coût majoré du profit désiré : coût + profit = prix
- lorsque la tendance s'est renversée, on est passé à la logique : prix marché - coût = profit avec les excès d'une hyper-concurrence conduisant à des pertes,
- maintenant, on s'oriente vers la formule : coût du meilleur + profit raisonnable = prix du marché … ce qui entraîne une très forte pression sur les coûts … avec le phénomène des achats dans les pays à bas coût, mais avec des répercussions possibles sur la qualité pas forcément du produit lui-même, mais d'autres composantes de l'offre.
Différentes configurations sont à envisager selon le type d’achat à réaliser. A titre d’exemple, on peut citer :
- L'expert : le technicien qui définit le serpro Serpro = Ceux des produits et services qui permettent au client de créer de la valeur. dans tous ses détails avec le fournisseur ; l'acheteur (frustré) est un approvisionneur
- Le familial : son besoin de sécuriser son approvisionnement le rend souple sur le prix d'achat
- Le professionnel : rationalise au maximum son achat (processus et politique)
- Le multi-site coordonné : un organisme centrale homologue les fournisseurs possibles, mais avec un complément de négociation en local ; à choisir lorsque les divers utilisateurs ont besoin d'une gamme de serpro similaire.
- Le multi-site centralisé : un acheteur puissant en centrale pour le serpro Serpro = Ceux des produits et services qui permettent au client de créer de la valeur. identiques et des contacts locaux pour les approvisionnements.
Chaque type de système acheteur demande des tempéraments adaptés comme acheteurs.
Bien évidemment, pour les achats très importants, le meneur de jeu sera entouré d’une équipe de spécialistes (technicien, juriste, financier, …) dont les rôles devront être bien repartis, y compris dans la sphère psychologique : l’agressif, le raisonneur, le conciliateur, … La composition de cette équipe peut varier selon la phase du processus achat.
La formalisation de l’accord pourra prendre des formes variées selon l’importance de l’achat et la culture des interlocuteurs. Il y a le classique bon de commande avec ses conditions générales que personne ne lit et qui ne sont pas forcément en accord avec celles d’un éventuel accusé de réception … au juge de trancher en cas de litige …
D’autres formes de contrat existe :
- Le Maquignon : la parole suffit.
- Le Japonais : un engagement formel sur l'intention.
- L’Américain : tous les cas de conflits.
- L’Européen : les modalités normales et la négociation pour l'exceptionnel.
- La Note interne : les règles du jeu.
Des commentaires :
- La concrétisation de type Maquignon n’est pas réservée au monde agricole. Dès que les commandes sont répétitives et que l’on se connaît bien, c’est un mode très utilisé, même si le respect du processus et des normes de qualité exigent ensuite une confirmation.
- J’ai vécu au Japon une aventure un peu étonnante. La filiale franco-japonaise dont je m’occupais avait confié une belle portion de son savoir-faire à un sous-traitant local. Nos juristes insistaient pour qu’un contrat soit signé afin de protéger nos droits. Lorsque j’en fis la demande à mon alter ego japonais qui assurait le management au quotidien, il marqua un intérêt poli. Quelques mois plus tard, j’ai remis le sujet sur le tapis m’attirant un laconique “J’y réfléchis“. Notre Directeur Juridique étant revenu à l’assaut … je fis de même, ce qui généra une question “Pourquoi souhaitez-vous un tel document ?“. Explication qu’il nous semblait sage de le faire et que le Directeur Juridique, M. Xxx insistait qui entraîne la réflexion : “Puisque c’est lui et vous qui le souhaitez, je m’en occupe“. Effectivement, une semaine plus tard, nous avons reçu une lettre disant que mon interlocuteur japonais, au nom de la filiale, et le président du sous-traitant avait décidé … de travailler en bonne intelligence ! Imaginez notre stupéfaction ! A ma rencontre suivante, à Tokyo, je formule en termes choisis notre étonnement devant la concision du document. Mon interlocuteur m’explique alors qu’il s’agit d’un engagement très fort qui exclut tout comportement délictueux sous peine de perdre la face … et, ai-je pensé, de se faire hara-kiri !
- Peu de temps après, c’est au chevet d’une filiale franco-américaine que j’ai eu à intervenir. Pour me mettre au courant, j’ai ingurgité le contrat qui liait les associés : trois gros volumes qui prévoyaient ce qu’il fallait faire … dans tous les cas de divorce possible ! La confiance était soigneusement encadrée !
- En Europe, on ne cherche généralement pas à anticiper tous les cas de figure, mais à expliciter les modalités en fonctionnement normal, en prévoyant clause de sauvegarde ou de force majeure ou arbitrage ou … pour régler les cas anormaux.
- La note interne fixe les règles du jeu pour les cessions internes entre activités d’un même groupe. Dans le monde de la chimie, il y a souvent plusieurs matières premières fabriquées en interne pour élaborer un produit marchand (ces produits ne font pas partie de la même activité : DAS différents), j’ai connu, de ce point de vue, deux politiques bien différentes : dans un cas, le DG voulait que les cessions se fassent au prix coûtant afin que les vendeurs du produit marchand se sentent hypermotivés par l’ampleur de la marge sur coût qui leur était confiée ; dans un autre cas, le DG faisait remonter au maximum la marge sur les produits amonts afin que les vendeurs du produit marchand se battent comme des lions pour dégager une maigre marge. Pour ma part, je trouve que les cessions au prix du marché ont l’avantage de mieux cerner la vérité économique …
Avant de pouvoir conduire d'une manière performante un processus achat, l'acheteur va passer par des phases liées à la cognition de la problématique à résoudre.
Il ne doit pas accepter (ou avoir la prétention) de se lancer dans la négociation avant d'avoir bien intériorisé les tenants et aboutissants de ce qu'on lui demande de procurer. Il y a des étapes psychologiques à respecter … tout en sachant qu'il peut lui arriver de ne pas atteindre le stade de la conviction : il lui faudra alors partager ses hésitations avec le responsable de l'activité pour prendre ensemble une décision dans un environnement incertain.
La politique de stocks est intimement liée à la tactique des approvisionnements : un petit rappel pour mieux évaluer son niveau optimum …
Quelques vérités confinant au truisme, mais qu’il n’est peut-être pas inutile de rappeler …
Il faut bien identifier quelle création de valeur est générée par l’installation d’un stock … en déduisant de son coût complet (frais financiers, loyer, gestion, …) les économies qui sont générées par ailleurs (sécurisation de la continuité de la production, baisse du coût par allongement de la série de productions, …).