La conception d’un plan à moyen terme s’est imposé progressivement à partir des années 70 dans le monde industriel, mais au départ il s’agissait uniquement d’un chiffrage consistant en l’établissement d’un budget pluriannuel élaboré dans la logique de la fin des Trente Glorieuses.
Le Plan Marketing présenté ici se situe dans un contexte plus concurrentiel avec des clients plus exigeants et une approche fondamentalement marketing c’est à dire … tendue vers le client.
Comme il n'est pas question de pouvoir bâtir un monopôle, il est inévitable de laisser des clients à la concurrence. Il est donc inutile de courir après tous : il faut identifier ceux que l'on désirera servir et par voie de conséquence laisser les autres à qui en voudra. Il convient donc de sélectionner ceux qui nous conviennent le mieux.
Comme tous les clients n'ont pas les mêmes attentes, il faudra aussi préparer des offres adaptées à chacun d'eux … ou plus exactement adaptés à chaque type de client, la personnalisation ne portant ensuite que sur des détails ajustés au niveau tactique : un sur-mesure limité pour ne pas être trop coûteux. Seule la cerise sur le gâteau est au goût spécifique d'un client donné : détail marginal, mais essentiel au moment de son choix pour être préféré.
C'est pour pouvoir proposer ces offres typées qu'il faudra entreprendre des actions pour être à même de satisfaire nos clients cibles … mais cela demandera des moyens (en fait, presque toujours, uniquement une orientation plus focalisée des axes d'efforts).
Le contexte d'incertitude qui entoure la conduite des affaires fait que l'on ne peut plus se lancer dans des évaluations quantitatives avant d'avoir atteint une bonne compréhension qualitative de la situation. Le plan marketing n'a pas besoin d'être submergé par des quantités de chiffres, au-delà de ceux qui sont utiles pour identifier les forces qui sont à l'œuvre.
Un deuxième aspect est que les opérations sont conduites … par les opérationnels. En outre, ce sont eux qui ont une connaissance pragmatique des clients en des concurrents … même si ce savoir est souvent plus ou moins "en vrac". Il est donc important que les principaux opérationnels participent au choix des clients cibles et de la manière dont il faudra leur présenter notre offre pour qu'ils nous choisissent. Enfin, il est clair que lorsque ce sont les opérationnels qui proposent la manière de conduire les opérations … ils sont assez enclins à les mettre en œuvre.
Cependant, ils ne connaissent habituellement pas les méthodes d'élaboration : il leur faut un guide … qui aura aussi pour fonction d'aider les membres de l'équipe pluridisciplinaire à trier l'accessoire de l'essentiel et à exprimer clairement les idées.
Au fil de mes expériences, j'ai souvent été frappé que lors des présentations aux directeurs, on parle du métier d'un client, de sa taille, de sa localisation et de bien d'autres caractéristiques objectives, mais bien peu de "qui il est". Etant donné qu'il n'y a pas de choix tant que l'on reste dans le champ du rationnel, il est essentiel de s'interroger sur l'irrationnel des clients. Tous les bons fournisseurs (les autres ont déjà disparu !) peuvent satisfaire les besoins exprimés d'un client : il faut se préoccuper du non-dit.
Une autre caractéristique de ces exposés est leur dimension nombriliste : parlez-moi de moi, il n'y a que cela qui m'intéresse. La méthode proposée cherchera donc à nous considérer simplement comme l'un des fournisseurs … ce qui oblige à une analyse comparative avec eux.
Enfin, c'est en permettant au client de créer de la valeur qu'il acceptera de nous payer à un niveau suffisamment élevé pour nous permettre d'être profitable. On retrouve ici la notion "d'altruisme … intéressé".
J'ai souvent rêvé de faire réaliser le plan marketing d'un client … par ses clients : je serais certain qu'ils y mettraient tout ce qu'ils sont disposés à payer à un prix honnête en évitant d'y introduire tout élément inutile !
C'est sans doute (peut-être ?) irréaliste, mais cela explique les recommandations suivantes
- Il faut se préoccuper de ce qu’il souhaite acheter et non de ce que nous voulons lui vendre.
- Il convient aussi de le concevoir, l'offre vue de lui vers nous et non de nous vers lui !
En somme, concevoir notre plan marketing comme si nous rédigions son plan d'achat ! Il faut entrer en empathie avec lui pour deviner ce qu'il désire et … qu'il n'a peut-être pas formulé par manque de prise de conscience ou par tactique.
La conception d'un plan marketing ne peut, sauf exception, être réalisé avec plus d'une douzaine de participants. Ils doivent représenter les diverses fonctions de l'activité : chef produit, commerciaux, assistance technique, production, administration, voire recherche, qualité, achats. Il vaut mieux avoir un participant de trop qu'un membre clé manquant.
Le plan marketing devra coordonner les efforts de tous les membres de l'équipe pluridisciplinaire : il convient donc que chacun d'eux en comprenne le sens et comment il le concerne. Je ne saurai trop conseiller d'organiser avec tout l'encadrement (cadres et maîtrise supérieure) trois courtes rencontres (une heure) :
- au lancement pour expliquer les motifs, la méthodologie, les modalités,
- à mi-parcours, à la fin de l'analyse, pour faire valider la vision de la situation,
- à la fin, avant validation par la direction, pour exposer les conclusions pratiques.
Un "Champion ", porteur du projet, sera désigné pour établir les comptes rendus qui constitueront le plan lui-même. Il participera à toutes les réunions et sera en outre chargé de porter le souci de l'intendance (mise en forme des conclusions des réunions de travail, surveillance de l'avancement des quelques travaux qui pourraient se révéler nécessaires de réaliser entre les réunions ... ) : il devra donc disposer d'un minimum de temps.
Pour faciliter la prise de recul par rapport au brouhaha dans lequel évoluent les opérationnels, il est très souhaitable que les séances de travail du groupe de conception se déroulent dans un cadre calme et inspirant : le cerveau ne peut concevoir des idées nouvelles sans prendre du recul par rapport à son environnement du moment (l'époqué).
Enfin, l'appropriation de visions nouvelles prend du temps : il faut étaler la conception du plan sur environ 3 mois en 3 ou 4 rencontres d'un jour à un jour et demi … avec de préférence une nuit partagée qui permet d'assimiler les idées neuves (… qui se révèle en outre utile pour souder l'équipe pluridisciplinaire). Par la suite, après présentation à toutes les entités de l'activité, il faut qu'il devienne un étalon du succès pour qu'il devienne part de la culture de l'activité.