Il est évidemment plus judicieux de choisir ses clients en fonctions de leurs attraits et de nos atouts plutôt que de laisser faire le hasard,
En interne, il ne faut pas négliger l’importance de ce travail en équipe pluridisciplinaires pour partager une vision commune et permettre à ceux qui ne sont pas en contact quotidien direct avec les clients de leur donner une consistance humaine et pas seulement de les identifier par un nom de société,
Le choix en commun permet à chacun de savoir vers où faire converger ses efforts.>
Lorsque j’écris “Aller ailleurs“, je pense souvent à “Avancer au hasard des courants“ … on aimerait bien que des vents favorables nous poussent sans effort vers le succès.
Faute d’une réflexion commune, nombre d’équipes opérationnelles n’ont pas une vision claire de leur réalité et ne savent pas se comparer aussi lucidement que possible aux attentes de la clientèle et aux capacités de leurs concurrents.
Sans investir beaucoup de matière grise pour cerner les contours, les nœuds et les interactions du système concurrentiel, il n’est pas possible d’arriver à en comprendre les ressorts du fonctionnement.
La méthode proposée a pour ambition d’examiner dans un ordre logique toutes les facettes de la problématique. N’en oublier aucune est un moyen de réduire le risque d’oublier, de prendre en compte un fait important.
Commencer par longuement, discuter de la demande permet de prendre une distance par rapport à nous-mêmes. Puis traiter l’offre en nous incluant comme l’un des fournisseurs évite de se mettre sans raison sur un piédestal.
Travailler tout cela avec l’œil du client, depuis son point de vue, procure un éclairage inhabituel, beaucoup plus objectifs.
Les échanges en équipe pluridisciplinaire génèrent, eux aussi, des visions complémentaires de la situation et permettent de choisir des objectifs qui soient compatibles avec les possibilités de chacune de ses entités.
Enfin, demander aux opérationnels de définir ce qu’ils devraient faire pour optimiser leurs résultats est un moyen important de mobilisation, facilitant leur motivation …
Lorsqu’on réalise un plan marketing pour la première fois avec une équipe opérationnelle pluridisciplinaire, j’ai constaté plus d’une fois l’évolution mentionnée ci-dessus pendant la conception du plan puis lors de sa mise en œuvre.
Par-delà des contraintes et des contextes de travail différent, cette démarche permet en outre de la Souder l’Équipe pluridisciplinaire constituée à partir des diverses facettes de l'activité par une meilleure connaissance mutuelle des difficultés de chacun et par la perception de la nécessité d'être tous tendus vers la satisfaction de ses clients / prospects qui deviennent l'horizon commun. Un travail collectif, suffisamment étalé dans le temps et animé, de préférence, par une personne non impliquée dans une relation hiérarchique avec les participants, est un bon moyen de faciliter cette découverte.
Ce sont les principaux leaders de l’activité qu’il faut impliquer dans le groupe de travail, sans oublier des fonctions jugées plus périphériques comme les achats ou l’administration des ventes.
Deux anecdotes :
- Les ventes d’un client dans les pays de l’Est, avant la chute du mur, étaient confiées à un service export qui bricolait dans son coin et faisait pester la fabrication par des exigences qui perturbaient ses plannings, mais il n’y avait pas de liens directs entre ces deux services. Leur participation à la conception du plan marketing a permis de clarifier les difficultés de chacun et à la responsable export de modifier ses offres.
- Un chef produit refusait à un vendeur un grade un peu spécial souhaité par un client parce que l’usine ne pouvait le fabriquer et n’avait guère envie de s’adapter. Lors des réunions du plan marketing, le chef de fabrication comprend l’intérêt de la demande tel qu’exposé avec flamme par le vendeur et, dans les quinze jours, trouve une astuce pour le faire.
Les chefs produits sont des coordinateurs, mais il arrive qu’ils travaillent trop exclusivement en binômes successivement avec tous les membres de l’équipe opérationnelle sans la faire suffisamment jouer ensemble comme un chef d’orchestre …
Environ un an après le début de la mise en application des conclusions du plan marketing, il est bon que l’équipe opérationnelle fasse le point au cours d’une journée de réflexion selon l’ordre du jour ci-dessus.
Ce ne doit pas être une occasion de règlement de compte entre ses membres même si certains ont été défaillants. On constate que les résultats n’ont pas été conformes aux prévisions, on explicite les causes sans juger les auteurs (la hiérarchie le fera entre quatre yeux ultérieurement) et on en tire les conséquences pour le futur 'cf. : l'équipe de rafting).
Il s’agit de procéder à un ajustement, car je n’ai jamais rencontré le besoin d’une remise à plat complète de l’analyse et de ses conclusions : je n’ai jamais rencontré d’équipe opérationnelle se trompant lourdement lorsqu’on lui donne l’occasion d’une réflexion méthodique et exhaustive.
Au fil des ans, la méthode s’intériorise de plus en plus dans l’esprit des membres de l’équipe qui en intègrent de mieux en mieux la logique et les conséquences.
La créativité et la rigueur s’expriment de plus en plus. Les décisions deviennent de plus en plus subtiles.
La réalisation d’un Plan Marketing est un investissement de 4 ou 5 jours de l’équipe opérationnelle la première fois (en séquences de 1,5 à 2 jours séparées de 3 à 4 semaines). Les révisions se font en une journée et une remise à zéro en deux jours.
Plus d’une fois, la décision de réaliser cette démarche a obligé la direction à expliciter par écrit son Orientation Stratégique.
La première réunion de l’équipe opérationnelle, profitablement élargie à l’ensemble de l’encadrement, doit commencer par un exposé sur la méthodologie pour que chacun comprenne la démarche.
Les séances se tiendront, dans toute la mesure du possible, dans un lieu calme et dans des locaux extérieurs à l’entreprise pour aider à sortir des habitudes de pensée.
En fin de rencontre, l’animateur doit faire preuve de tonus lorsqu’un certain nombre de participants n’ont pas l’habitude de réfléchir pendant plusieurs heures d'affilée.
La cohérence résulte de l’examen dans une seule opération de l’ensemble de la clientèle et de la convergence de tous les efforts vers les clients prioritaires.
L’adaptation est la conséquence de la volonté de mieux satisfaire les exigences qui donneront lieu à des offres mieux pondérées par segment.
Ce plan opérationnel qui concerne toutes les entités de l'activité, conduit ainsi à une Focalisation des efforts vers les objectifs communs : les clients prioritaires. C'est pourquoi chacune des entités opérationnelles de l'activité (recherche, application, production, commercial, projets, achats, ... ) en déduira alors son Programme d'Actions à conduire à court terme : les 6 à 12 mois à venir.
Chaque équipe avance à son propre rythme et il n'est donc pas possible de prévoir exactement le calendrier d'avancement des travaux. L'expérience acquise montre simplement qu'il faut généralement consacrer :
- 10% du temps à la définition du Champ d'Analyse : les familles de produits concernées,
- 10% du temps à la clarification du vocabulaire de la profession : il est très souvent indispensable de constituer un Lexique ; pour disposer d'un langage précis,
- 25% du temps à la description des caractéristiques les plus importantes des acteurs de l'activité et tout spécialement des clients ou plutôt des systèmes acheteurs (les "Photos"" de la demande) : il en résulte le choix des Segments Opérationnels (les clients qui se ressemblent),
- 25% du temps au reste de l'Analyse de la Situation : elle se résume dans une matrice Attraits / Atouts,
- 30% du temps pour la séquence Objectifs, Politiques, Offres, Actions, Moyens : elle peut sembler courte, mais les choses avancent très vite lorsque les pensées sont devenues claires.
Lorsque la direction aura approuvé le plan, il faudra se soucier de la manière de le faire "acheter" par le plus grand nombre : généralement l’ensemble de l’encadrement. Cela peut se faire en les réunissant brièvement (0,25 j) à 2 ou 3 reprises au cours de l’élaboration du plan : lancement, validation de la segmentation et commentaires sur les recommandations finales avant leur transmission formelle à la Direction.
Les retombées quantitatives, les plus souvent mises en évidence, se trouvent dans les deux domaines cités ci-dessus. Quelques exemples :
Orientation stratégique :
- L'analyse conduite fait apparaître que les besoins opérationnels nécessaires à la conquête de part de marché assignée par la DG est totalement incompatible avec les moyens qu'elle peut mettre en œuvre … révision déchirante que les opérationnels ont chargé le consultant de l'annoncer à qui de droit ...
- Dans un autre cas, la conviction de toute l'équipe, direction comprise, qu'il convenait de construire un atelier pour un nouveau produit proposé par un concurrent (coût 100 millions d'euros) est anéantie lorsqu'il apparaît que les clients n'en sont pas vraiment demandeurs, car il n'apporte aucun avantage significatif … un investissement "me too" évité.
Optimisation du portefeuille :
- Des clients qui ont des usines dans toute l'Europe demandent des livraisons pour des sites très éloignés des usines du fournisseur. Les commerciaux sont convaincus qu'il n'est pas possible de leur refuser. La prise de conscience du surcoût des frais d'approche amène à comprendre qu'il faut réduire ce type de livraison. Un effort continu et en douceur permet en deux ans de réduire de 70 km la distance moyenne des livraisons, sans perte de tonnage. L'économie est modeste (3€/t !), mais comme il s'agit de 300 kt/an … l'économie annuelle est de 900 k€. Le tableau joint montre l'abandon des clients trop éloignés au profit de l'augmentation de la part de marché chez les plus proches.
- D'une manière similaire, un fournisseur d'acier dispose de deux sites éloignés de quelques centaines de kilomètres dont les gammes de produits sont en partie similaire. La question se pose du choix des commandes à attribuer à chaque site. Il apparaît que pour 90% des commandes l'affectation est évidente … les 10% restant sont répartis un peu au hasard. La réflexion conduite lors du plan marketing fait réaliser que 5% de mauvaise (la moitié des 10%) affectation entraîne un surcoût de 50 €/t pour un prix de vente voisin de 500 €/t, mais comme le tonnage total est de 1 million de tonnes, l'enjeu est de 2,5 millions d'euros … une analyse plus fine de l'attribution des commandes est lancée.
- Pour un commerçant, il est souvent facile de vendre à un client du type "Opportunix" puisqu'il suffit de lui lâcher le prix pour obtenir la commande. Prendre pied chez un client "Fidèle" est un processus beaucoup plus long qui demande de satisfaire plus d'exigences que la simple livraison d'un produit standard. La matrice "Attrait / Atout" qui permet de hiérarchiser l'intérêt des divers types de clientèle pour le fournisseur, fait sauter aux yeux le pourcentage souvent exagéré des "Opportunix" dans un portefeuille. Cette simple prise de conscience associée à la volonté affirmée de le faire diminuer permet à la direction de l'activité, en l'espace de 18 à 24 mois, suffisamment en douceur pour ne pas exciter la concurrence, de remanier environ 20% du portefeuille en "laissant filer" les clients les moins intéressants pour nous (ils peuvent l'être pour des concurrents) contre d'autres plus séduisants.
- Très souvent, on constate que des moyens supplémentaires ne sont pas nécessaires, mais qu'il convient de les utiliser différemment.