Toute activité est soumise aux facteurs* macroéconomiques de son environnement. Il est donc utile d'acquérir une conscience aussi claire que possible des grandes forces qui modèlent notre monde au moins en ce qui concerne le management d'une entreprise.
De formation universitaire, j'avais en arrivant dans le monde industriel été séduit par un patron qui m'avait fait réaliser qu'un produit devait être utile. C'était sans doute un peu naïf de ma part, mais montre l'ambiance de l'époque où les clients cherchaient les fournisseurs.
Au début de la crise de 1975, la concurrence a beaucoup augmenté, car la croissance de la demande a beaucoup ralenti. On a commencé de réfléchir plus explicitement aux besoins du client et non plus simplement aux possibilités de son produit. Cependant, le client était un peu considéré comme un adversaire, d'où l'utilisation d'un langage assez militaire à son encontre.
Dans les années 90, la dimension irrationnelle a été de mieux en mieux admise, même dans le monde industriel et le vocabulaire du monde amoureux est devenu plus approprié.
Actuellement, un grand souci est la fidélisation des clients qui amène à le considérer dans son ensemble et non seulement avec son apparence acheteuse d'un {tooltip}Serpro{texte}Serpro=Ceux des produits et services qui permettent au client de créer de la valeur{end-toooltip}. Il ne suffit plus de rester dans une relation technique avec lui : les relations humaines reprennent toutes leur importance.
Si l'on veut tenter d'anticiper, je crois que chaque entreprise devra transformer une série de ses clients en véritables alliés pour gagner ensemble, mais en comprenant bien que c'est au fournisseur de faire le premier pas. En aidant vraiment son client à gagner, il nous récompensera en nous fournissant les moyens de notre propre succès.
Ceux qui ne connaissent pas l'histoire sont, dit-on, condamnés à en répéter les erreurs. Commençons donc par un rapide regard en arrière
Au cours des trente glorieuses, de 1945 à 1975, l’offre s’essoufflait à suivre une demande en croissance forte et régulière. Il était alors assez facile de prévoir le futur puisqu’il suffisait d’extrapoler le passé.
Cette croissance s’est brutalement arrêtée en 75 en connaissant, ensuite, des variations importantes et imprévisibles. Il en a résulté une grande confusion, car le monde occidental s’est trouvé en forte surcapacité de production due aux investissements lancés au milieu des années 70 à une époque où personnes ne prévoyait que le ralentissement de la croissance serait aussi brutal. Aucun producteur ne voulant ralentir ses unités (depuis trente ans, ils marchaient à plein régime !), il en a résulté une guerre des prix entraînant lentement la fermeture des unités les plus anciennes. A cette époque, le langage a évolué : on est passé de la notion de confrères à celle de concurrents !
Au moment même où l’on ne pouvait plus prévoir l’avenir, est apparu la notion d’anticipation. A nouveau mot, nouvelle connotation : laquelle ?
C'est ce qui se passe dans les zones qui sont maintenant, à leur tour, en croissance rapide.
Dans l’acception que je donne à ces mots, prévoir prend une dimension fatale ne laissant quasiment aucune liberté : de bonnes extrapolations mathématiques suffisent en faisant appel à l’intelligence algorithmique.
L’anticipation exige beaucoup plus de réflexion (intelligence créatrice) et permet de faire que l’avenir sera, en parti, ce que nous voulons. Elle exige donc l’identification des futurs plausibles (les “futuribles” … en plagiant le beau titre d’une revue de prospective) puis une action immédiate pour tenter de faire advenir celui qui a notre préférence. “L’avenir est moins à découvrir ... qu’à inventer” (Gaston Berger)
Bien évidemment, pour une activité donnée, certains acteurs seront passifs et les autres risquent fort d’avoir des souhaits contradictoires, mais même si sa propre action est marginale, il ne faut pas désespérer puisque les théories du chaos montrent qu’une cause minime peut déclancher des effets majeurs.
Lorsqu’un paramètre connaît une évolution régulière, il est facile de prévoir son futur : il suffit d’extrapoler le passé. On fait alors de la prévision au rétroviseur et cela est alors bien adapté à la situation sans que l’on ait besoin de comprendre ce qui explique cette évolution.
Lorsque l’on est dans une situation beaucoup plus instable, les extrapolations n’ont plus de sens. Il devient indispensable de comprendre quelles sont les forces qui dynamisent le système en espérant que l’on sera alors à même d’anticiper leur évolution et leur résultante.
L’avenir ne correspond jamais exactement au futuribles préférés, mais l’anticipation permet de reconnaître très vite les évènements qui peuvent contribuer à la vision qui a été choisie … et donc de saisir sa chance avant les concurrents moins préparés.
Avoir une vision claire de ce que l'on souhaite permet d'exploiter les vents favorables.
Il y a quatre grands types de facteurs macro qui peuvent avoir une influence sur une activité. Il faut en expliciter les traits dominants pour déterminer "comment faire avec" car, au niveau d'une entreprise, on ne peut pratiquement rien contre eux.
La source principale des évolutions psychologiques est la montée du niveau de savoir des collaborateurs non seulement en termes de diplômes acquis lors de l'éducation scolaire ou de culture d'ordre plus général par le biais des voyages ou des médias (télévision, Internet, … ) qui donnent une ouverture sur le monde.
Dans le champ du management, de plus en plus la carrière n'est plus la seule finalité poursuivie entre 25 et 50 ans. Certes, l'ardeur de beaucoup de cadre n'a pas diminué quand ils sont au travail (peut-être même au contraire, car ils y consacrent alors une intensité de présence supérieure à celle de leurs prédécesseurs). Ils veulent réussir leur vie professionnelle, mais aussi personnelle.
Dans le cadre de l'entreprise, ils n'acceptent plus d'être de simples exécutants et n'hésitent pas à contester l'autorité dont ils reconnaissent aussi bien les compétences … que les limites. Ils veulent disposer d'une zone d'autonomie et revendiquent de pouvoir prendre des décisions et donc des risques … en acceptant la sanction en cas d'erreurs ou d'échecs … répétés. Cette perspective génère une anxiété plus ou moins exprimée qui les rend sensibles aux patrons qui leur donnent des orientations claires et un soutien sans faille quand ils ressentent le besoin d'une aide ou d'un conseil.
Ils ne manquent souvent pas d'ambition, mais savent que s'ils peuvent jouer un jeu personnel sur la distance, il leur faut jouer dans l'immédiat au sein d'une équipe. Les plus sages savent même que trop tirer la couverture à eux peut se retourner contre eux.
A noter que cette exigence d'autonomie entraîne l'existence d'une multitude de centres de décisions … dont la résultante devient imprévisible : il y a contribution à la complexité.
Au plan collectif, c'est évidemment le phénomène de la mondialisation qui est la source de nombreuses conséquences : dans les grandes entreprises le management prend une dimension globale où il faut réussir à obtenir une coordination des efforts de tous dans le respect d'une certaine autonomie opérationnelle et des spécificités des diverses cultures locales.
La prise en compte de l'environnement, notamment dans sa facette du développement durable oblige à prendre en compte de nouveaux paramètres. Il y a, à la fois des efforts pour déréguler certains secteurs et apparition de nouvelles réglementations dans ces domaines pour imposer le respect de l'intérêt général … tel que conseillé par le théorème de Bellman.
D'une manière encore plutôt embryonnaire, l'affirmation de la prise en compte de caractère éthique pénètre le monde de l'entreprise. Sans faire de l'angélisme, une telle attitude est indispensable pour une implantation durable.
Dans le champ de l'économie, la mondialisation est aussi un moteur essentiel du contexte économique qui explique les délocalisations qui font le malheur des uns … et le bonheur des autres.
Le déplacement des taux de croissance des pays de la vieille Europe vers l'Asie y focalise le développement des investissements : ces pays sont en train de vivre leurs trente glorieuses.
Dans les pays développés, la pénurie n'existe pratiquement plus. Presque partout, il y a surcapacité de production qui entraîne une concurrence d'autant plus sévère que les mauvais concurrents ont été éliminés depuis longtemps.
Proposer des {tooltip}serpro{texte}Serpro = ceux des produits et services qui permettent au client de créer de la valeur{end-tolltip} répondant très exactement aux besoins des clients (efficacité) est devenu un truisme, mais pour être rentable, il faut être compétitif ce qui amène à des efforts constants pour augmenter l'efficience qui a souvent pris la forme d'une course à la productivité en comprimant les effectifs pour accomplir les tâches actuelles sans beaucoup rechercher comment valoriser les compétences en excès dans de nouveau {tooltip}serpro{texte}Serpro = ceux des produits et services qui permettent au client de créer de la valeur{end-tolltip}. Je me souviens avoir écrit à une DG qui lançait une grande opération de productivité avec l'objectif de réduire les effectifs de 1500 personnes pour lui proposer de lancer un groupe de réflexion sur le thème : comment enrichir l'offre pour créer 1000 emplois : un regrettable silence fut la réponse.
La justification de l'entreprise est de créer de la valeur … mais se pose ensuite le problème de l'équité de son partage entre les acteurs de sa génération. Dans le système économique qui domine en occident, la décision finale revient aux actionnaires. Je ne crois pas pour autant que cela doit leur donner un droit régalien sur les autres en ne considérant que leur intérêt à court terme (ce qui serait contraire aux conclusions du théorème de Bellman). Les excès du pouvoir financier dans l'entreprise ont entraîné un amoindrissement des valeurs humaines et sociétales … qui a généré une salutaire, mais regrettable réaction : un effondrement de la fidélité des meilleurs à l'entreprise.
L'informatique est la technologie dont les possibilités ont le plus contribué à la globalisation : sans des télécommunications performantes impossibles de manager au niveau mondial que ce soit par la téléphonie ou l'Internet ; la bureautique a transformé les secrétaires en assistantes et les responsables … en leur propre secrétaire les fautes de frappe en plus ; l'automatisation des procédés par des automates ou des objets par la robotique contribue à la course à la baisse des prix.
L'amélioration des matériaux contribue à la fois à mieux satisfaire les besoins (des bouteilles d'eau plus solides, plus légère, plus belle et moins chère !) et à baisser le coût des biens (sur sa durée de vie, les dépenses pour un équipement dépendent de sa maintenance : l'amélioration de la résistance à la corrosion des aciers en est un exemple).
Dans le domaine privé, les progrès de la biologie entraînent l'allongement de la vie, mais aussi la séparation de la chimie et de la pharmacie, car l'avenir de cette dernière n'est plus dans la chimie fine, mais dans la biologie.
Les télécommunications réduisent le besoin de rencontre physique entre les partenaires d'une activité, mais ne les annulent pas et dans tous les cas ne peuvent transporter les objets comme elles le font des idées : la mondialisation ne serait pas possible sans des transports rapides et peu coûteux.
Ces technologies ont changé notre rapport au temps et à l'espace en favorisant l'instantanéité parfois au détriment de la réflexion, fruit du travail de notre cerveau qui a besoin de la durée pour voir clair dans une situation : c'est un nouvel équilibre qu'il faut gérer. Elles bouleversent nos rapports avec nos relations que l'on a moins besoin de rencontrer physiquement, car le lien virtuel peut être fort : le prochain n'est plus uniquement le voisin, mais aussi celui qui avec lequel j'échange sur des centres d'intérêts communs.