Le puzzle donne une idée de la variété des facettes du marketing, mais il faut y mettre bon ordre ! Une première manière de classifier ces mots est d'examiner comment les choses ont évolué au fil des décennies.
Il ne s'agit pas de prétendre que le tableau ci-contre soit l'expression d'une étude historique, mais de montrer comment le champ d'action du marketing s'est complexifié.
Pour simplifier, on peut dire que, dans le monde industriel en Europe, on a connu les évolutions suivantes :
- Dans les années 50, l'essentiel résidait dans les "4P" exprimés vers 1925 par un chercheur américain pour expliquer que pour faire des affaires, il fallait avoir un "Produit" dont il fallait fixer le "Prix" puis se soucier qu'il soit disponible dans une "Place" après l'avoir fait savoir par la "Promotion".
- Dix ans plus tard, les études de marché se sont implantées, sachant qu'alors leur résultat s'exprimait essentiellement par deux chiffres : le volume de la demande l'année précédente et son taux de croissance pour les trois ans à venir (nous étions encore dans les Trente Glorieuses !).
- Au début des années 70, les plans à cinq ans sont apparus : il s'agissait d'un exercice chiffrant l'évolution du compte d'exploitation à partir du taux de croissance envisagé ci-dessus. Simultanément, se développent les méthodes de prévision de la rentabilité des investissements avec les taux d'actualisation des résultats futurs puis de la prise en compte de l'analyse de la génération de liquidité.
- Avec la crise de la deuxième partie des années 70, les modèles précédents deviennent caduques et le besoin de coordination des différentes fonctions concourants au fonctionnement d'une activité : les chefs produits se multiplient.
- Dans les années 90, la crise persistant, le besoin de réussir à trouver ce qui est stable sous le mouvement apparemment brownien des marchés … ce qui demande beaucoup moins de calcul et beaucoup plus de réflexion.
- Maintenant, pour bénéficier du contexte actuel, il va être indispensable de mobiliser toute l'intelligence de tous les collaborateurs pour que l'entreprise soit capable d'inventer des solutions.
Si on entreprend une réflexion à partir des "4P", on doit d'abord noter que :
• On parle souvent du "MIX" dont le nombre de composants varie selon les auteurs. Les cinq cités ici sont assez classiques, mais la place du prix en dernier l'est moins. Je tiens à cette position, car il est la contrepartie des autres termes.
A noter qu'au départ, "avant-guerre" il y avait la "réclame" qui était un message lancé tous azimuts pour faire savoir qu'un produit existait (aujourd'hui, il est devenu synonyme de braderie). Puis est apparu le mot "publicité" qui a apporté deux idées complémentaires : le ciblage et la description des caractéristiques du produit. Enfin, le mot "communication" s'est imposé non seulement parce qu'il fait plus riche, mais surtout parce qu'il recouvrait des idées nouvelles : tenter d'amorcer un dialogue avec le client ciblé (l'amener à s'identifier) et expliciter les avantages du produit pour le client. Au passage, une anecdote vécue : lorsque j'étais, à l'aube de mes trente ans, chef produit d'un polymère, j'avais décidé de payer une page de publicité dans une revue professionnelle. Le responsable du service publicité m'avait convaincu que c'était "moderne" et nouveau pour un produit de ce type d'y inclure un "coupon réponse détachable" demandant les coordonnées du lecteur pour lui expédier une documentation. Cela a bien fonctionné : j'ai reçu des dizaines de demandes, mais … il n'y avait pas de documentations … et je n'ai jamais répondu !
• Lorsque l'on cherche ce que veut dire le jargon "MIX", on découvre rapidement qu'il s'agit tout simplement de "l'offre" que l'on peut décomposer en "serpro Serpro = Ceux des produits et services qui permettent au client de créer de la valeur. et novalNoval = Ceux des produits et services qui ne peuvent être évités, mais qui ne permettent pas au client d'enrichir son offre." plutôt que "produit et service"
. La communication, le client n'en veut pas trop dès qu'il connaît le produit, car il sait qu'il la paye, mais elle contribue à le sécuriser, un peu comme une police d'assurance … pas plus. L'optimisation de la distribution a conduit à toutes les études d'amélioration du coût logistique. Enfin, réalisons bien que pour le client le prix est un coût.
• Puisque nous avons regardé l'offre, rapprochons là de la demande. Le client n'achète ni un produit ni un service, mais des fonctions qui lui sont utiles et des aides pour son travail. La communication doit contribuer à lui donner confiance dans son fournisseur. Les problèmes de logistique l'indiffèrent : c'est la disponibilité qui lui importe. Enfin, cela est pour lui une occasion de dépense.
• Il convient de mettre en correspondance la demande et l'offre lors de l'échange : pour cela, beaucoup de sujet ne doit pas susciter de polémique entre client et fournisseur : il faut rechercher ensemble comment permettre de générer le maximum de valeur ajoutée à partir du serpro dont le client a intérêt à acheter le maximum, la communication doit viser à créer un relationnel agréable dont personne ne se plaindra ! Ensemble la minimisation du novalNoval = Ceux des produits et services qui ne peuvent être évités, mais qui ne permettent pas au client d'enrichir son offre. ne pose pas de problème puisque c'est un coût sans aucun intérêt pour l'acheteur et une répercussion de coût sans marge pour le vendeur ! Aucun conflit ne devrait apparaître sur tous ces points, mais il reste le prix sur lequel le conflit est fondamental : il reste à espérer qu'il s'agisse d'une contrepartie honnête.
• Lors de l'élaboration d'une proposition, il faut viser l'optimum du client pour le serpro Serpro = Les produits et services qui permettent au client de créer de la valeur., celui du fournisseur pour la communication en se rappelant la finalité (le relationnel favorable), le novalNoval = Ceux des produits et services qui ne peuvent être évités, mais qui ne permettent pas au client d'enrichir son offre. minimum et l'art de la négociation (dont il faut connaître les techniques : donnant-donnant, salami, pivot factice, …) pour obtenir une bonne contrepartie.
En conclusion, je propose de remplacer le MIX par les quatre éléments suivants : serproSerpro = Les produits et services qui permettent au client de créer de la valeur., novalNoval = Ceux des produits et services qui ne peuvent être évités, mais qui ne permettent pas au client d'enrichir son offre.{end-tooltip, relationnel et contrepartie.
Quelques commentaires sur deux éléments du MIX classique :
- La communication, dont l'objectif est de créer un relationnel favorable, agit de deux manières :
- En apportant des informations "utiles" au client : ce qui veut dire qu'il doit s'agir d'informations nouvelles. Une documentation ou un discours qui rappellerait, pour faire du volume, une série de truismes, ne fera qu'énerver le client en lui faisant perdre son temps … ce qui à l'inverse du but visé.
- En influençant le jugement de son interlocuteur : et là se pose le problème éthique de savoir jusqu'où l'on peut aller trop loin ! La conscience de chacun des responsables concernés y répondra, mais la raison peut faire remarquer que, dans nos pays développés, fruit d'une éducation plus évoluée, il est de plus en plus risqué de vouloir faire prendre des vessies pour des lanternes, car lorsque le subterfuge est mis à jour, la confiance est atteinte et c'est de nouveau l'inverse de l'effet recherché. Manipuler son interlocuteur ne me paraît pas une bonne méthode pour le convaincre, surtout si l'on veut nouer une relation durable.
- La distribution doit bien réfléchir ce qui dans sa prestation relève du simple surcoût dû au passage par un intermédiaire ({tooltip}noval{end-texte} Noval = Ceux des produits et services qui ne peuvent être évités, mais qui ne permettent pas au client d'enrichir son offre.) (de nature entropique) et ce qui présente une valeur pour le client (serpro Serpro = Ceux des produits et services qui permettent au client de créer de la valeur.).
L'élaboration d'une offre selon les quatre composantes du "nouveau MIX" que je propose
• Ce que le client veut se procurer parce qu'il va en tirer de la valeur : c'est le serpro Serpro = Ceux des produits et services qui permettent au client de créer de la valeur. qu'il faut concevoir en se mettant à sa place en se demandant ce qu'il souhaitera acheter et non ce que nous souhaitons lui vendre. Cette valeur, pour le client, est de nature rationnelle et irrationnelle : elle lui est spécifique, car chacun a son échelle de valeur … ce qui n'empêche pas de les classifier dans une typologie.
• Ce que nous serons conduits à dépenser en plus du coût de réalisation du novalNoval = Ceux des produits et services qui ne peuvent être évités, mais qui ne permettent pas au client d'enrichir son offre. pour le lui mettre à disposition : l'obsession doit être de le minimiser … sans risquer d'amoindrir la valeur de l'offre
• Le relationnel va jouer sur les registres rationnels (information) et irrationnel (influence).
• La contrepartie maximale que l'on pourra obtenir d'un client ne saurait dépasser la valeur, en partie inconsciente, qu'il attribue à l'offre.
En face de deux offres sinon égales, du moins équivalentes, c'est-à-dire objectivement non partageables (sinon il n'y a pas équivalence), l'acheteur va devoir choisir sur la base d'éléments irrationnels.
Un exemple, lors d'un appel d'offre pour une cantine scolaire, les réponses ont été obtenues à partir d'un cahier des charges qui détaillait toutes les performances demandées pour tous les critères objectifs (composition des repas, animations, …). Deux candidats ont fait une offre dont les prix ne variait que de 0,5% ! Les deux offres étaient objectivement égales. Le débat qui a présidé au choix a été de savoir s'il fallait préférer le grand fournisseur bien connu apportant toutes garanties aux parents, mais pour lequel ce n'était qu'une école de plus ou l'outsider, au dossier esthétiquement séduisant, qui proclamait sa volonté de se créer une référence dans la région, mais qui, peu connu, soulèverait un tollé des parents en cas de déception. Officiellement, le choix s'est porté sur le moins cher … qui était le choix … du plus convaincant et du plus décidé des responsables appelés à choisir.
Pour chaque type de clientèle d'une activité, il faut choisir le positionnement qui nous convient compte tenu de sa place par rapport à ses attraits et à nos atouts. Il y a donc autant de positionnement que de famille de clients.
Ce positionnement s'exprimera au client par l'offre que nous lui proposeront.
La demande d'une famille de clientèle connaît, livrée à elle même une certaine évolution "naturelle". Par des actions de promotion et de publicité on peut "forcer" son développement en faisant prendre conscience de l'intérêt d'une offre "classique" à de nouvelles tranches de prospect.
Une offre peut présenter des caractéristiques variées comme :
Classique : elle suit l’évolution de la demande au fur et à mesure que celle-ci exprime des demandes
Spécialisée : elle ne convient qu'à une fraction de la clientèle
Différentiée : cette différentiation n'a de sens que si elle conduit à une offre mieux adaptée à certains clients que celle des concurrents
Anticipatrice : elle précède les évolutions de la demande en faisant comprendre aux clients des besoins améliorés.
Créatrice : elle génère une mutation de la demande en faisant apparaître une nouvelle catégorie de clientèle
Toute science est basée sur des postulats. Puisque le marketing Veut aujourd'hui être considéré comme une science …
Il faut bien comprendre que le fournisseur qui convient le mieux peut ne pas être objectivement le meilleur. Faute de temps pour acheter son pain, on peut se servir chez le boulanger le plus proche, même si sa cuisson y est médiocre.
Ce sont les critères du moment de l'achat qui sont importants.
Une des missions du marketing est de choisir les types de clientèle que l'on veut servir et d'en déduire les offres à leur faire.
Le rêve est donc de les connaître assez pour être capable de les comprendre afin de pouvoir percevoir ses attentes objectives et subjectives et de lui préparer une offre allant au-delà de ses espoirs.
Dans nos économies d'abondance, il ne faut pas oublier que le problème de l'acheteur n'est pas de trouver un fournisseur, mais de décider de ceux qui seront éliminés.
C'est le client qui choisit.
Face à des clients de plus en plus cultivés, on peut de moins en moins lui mentir sans qu'il s'en rende compte plus ou moins rapidement. Les techniques de fausses sympathies ou les pseudos vérités ne peuvent être efficaces qu'à court terme.
Pour bâtir une relation durable avec un client, la bonne attitude est de vraiment se préoccuper en premier de son intérêt en se montrant réellement altruiste … mais pour ne pas faire d'angélisme, il faut ensuite faire ce qu'il convient pour que le client soit reconnaissant.
Il y a encore trop de fournisseurs qui se soucient en premier de leur intérêt en faisant ensuite semblant de se montrer généreux vis-à-vis de leurs clients.
Un clin d'œil pour terminer ce chapitre. En plagiant un auteur bien connu, on peut dire que le marketing demande "un certain regard" : pour avoir une bonne représentation de la situation, il faut la regarder avec l'œil du client.
Pour saisir pourquoi cette manière de regarder "dans l'autre sens" peut changer ce que l'on voit, on rappellera que l'angle d'un carré vu de l'intérieur vaut 90° alors qu'examiné de l'extérieur, il mesure 270°.
Une plaisanterie permettra d'illustrer différemment cette idée :
Un nouvel arrivant devant St-Pierre rencontre un vieillard aussi cacochyme que laid avec sur les genoux une créature de rêve aussi jeune que jolie. Avec un sourire polisson, il demande : "C'est votre récompense ?" et la réponse arrive "Hélas non ! C'est sa punition !".
Il est rare et même rarissime qu'un client accepte de payer beaucoup plus cher pour une offre qui est similaire à celle de la concurrence.
Une marge améliorée sera plus le fruit de circonstances permettant une baisse de coût (serpro Serpro = Ceux des produits et services qui permettent au client de créer de la valeur. particulièrement compétitif, ou novalNoval = Ceux des produits et services qui ne peuvent être évités, mais qui ne permettent pas au client d'enrichir son offre. spécialement réduit comme des frais de transport réduits) plutôt que d'une surfacturation des clients.
Une autre manière de repérer si notre offre est jugée meilleurs et donc réussie consiste, à prix quasi égal à celui d'un concurrent, à obtenir une part de marché 50% au dessus de la sienne. C'est la manière la plus performante pour améliorer ses résultats.