Le réseau commercial assure l'interface principal entre le client et l'entreprise. Il doit trouver le bon compromis entre les attentes en partie contradictoires de ces deux interlocuteurs.
Il se plaint souvent de devoir vendre deux fois : au client et en interne, ce qui est bien l'expression de cette double nécessité de s'adapter à des exigences non totalement compatibles.
S'organiser c'est se structurer pour fonctionner : il faut d'abord expliciter les fonctions nécessaires avant de les répartir entre les membres du réseau.
Le réseau commercial est un traducteur : il doit prioritairement réussir à faire correspondre les possibilités de son entreprise avec les attentes du client.
Pour pouvoir définir la silhouette des vendeurs nécessaires, il faut en premier élucider quelles sont, de ce point de vue, les différentes familles de clients : tous les clients n'attendent pas les mêmes prestations de leur interlocuteur. Il faut donc commencer par établir la typologie* de la clientèle avec pour critère de finalité ses attentes vis-à-vis du réseau commercial de ses fournisseurs. Pour chaque type de clientèle, on explicite alors ce que le client veut recevoir de son fournisseur.
Il faut aussi que le réseau apporte à l'entreprise non seulement des commandes provenant du style de client préféré, mais aussi des informations … encore faut-il qu'il sache lesquelles sont souhaitées, à qui les transmettre et sous quelle forme. Il faut expliciter ce que chaque acteur de l'entreprise attends de ses commerciaux (ex : le marketing : des informations sur l'évolution des besoins ou la concurrence, la production : des prévisions de commandes, … ). Les clients ne sont pas intéressés par la superstructure de l'organisation commerciale qui doit donc, du point de vue du client, être réduite à sa plus simple expression. L'entreprise doit aussi viser le minimum compatible avec l'optimisation de son fonctionnement.
C'est cette somme d'attentes pour laquelle il faut imaginer la structure la plus légère possible.
Pour définir un réseau commercial, il faut préciser le niveau de qualification de chacun des vendeurs, leur nombre, leur articulation au sein de l'entreprise et les modalités de son animation.
Chaque jeu d'attentes des clients demande une série de compétences spécifiques, c'est-à-dire une silhouette particulière de vendeur.
Dans l'analyse de l'organisation, il n'est pas inutile de décortiquer chacune des tâches envisagées à l'aune de la valeur qu'elle peut présenter pour le client (est-il disposé à en assumer le coût ?) ou de l'entreprise (pourra-t-elle en faire jaillir plus de valeur que son coût ?).
L'animation du réseau doit viser non seulement à donner aux vendeurs des raisons de se motiver ou de contrôler que leur taux de charge est suffisant, mais aussi vérifier que les choix de ciblage et de politique commerciale de l'entreprise sont bien respectés.
Deux exemples illustrent ce propos.
Le contexte :
Une Division d'un grand groupe commercialise en Europe, auprès d'une clientèle commune, des produits industriels ayant des points de ressemblance, mais dépendant de DAS différents qui sont animés par des Directeurs de Département. Des Chefs Produits leur sont rattachés pour coordonner les opérations.
- Des filiales à autonomie substantielle existent dans les grands pays. Les Vendeurs y sont hiérarchiquement dépendants de Chefs de Ventes avec un rattachement fonctionnel à un Directeur Commercial central.
- Des Animateurs Marché sont des spécialistes de branches porteuses (automobile, emballage, …) aux processus achats particulièrement complexes. Ils ont un rôle de conseillers.
La solution :
Une typologie de la clientèle a été identifiée sur la base de leurs attentes vis-à-vis de leur interlocuteur commercial.
- Un "Transnational centralisé" négocie de très grosses quantités à livrer dans plusieurs pays. Il lui faut un "Négociateur central" pour décider des quantités et prix avec des contacts locaux pour assurer les approvisionnements.
- Un "Complexe" combine une coordination en central qui homologue des fournisseurs et des acheteurs locaux qui disposent encore d'un pouvoir de négociation.
- Un "Gros national" n'a qu'un seul point de livraison. Il dispose d'un acheteur professionnel qui attend la même compétence de son vendeur. Les distributeurs qui livrent les petits consommateurs font partie de ses clients.
- Un "Moyen classique" est souvent l'entreprise d'un homme orchestre qui est sensible aux relations humaines et à la sécurité que lui apporte un grand fournisseur. Son vendeur est (presque) un ami.
- Un "Spécialisé" fabrique des produits sophistiqués. L'aspect prix est très second par rapport à la compétence technique qu'il attend de son fournisseur.
Ces cinq types de systèmes achats ont conduit à déterminer cinq types de vendeurs à territoire d'action différents.
- Le Directeur Commercial a été choisi comme "Négociateur central". Bien que hiérarchiquement supérieur aux Chefs produits, il doit prendre ses instructions auprès d'eux, mais peut ensuite arbitrer les ajustements au mieux des intérêts de la Division. Sa compétence est européenne.
- C'est souvent un des Chefs produits qui joue le rôle de "Coordinateur central" en fonction des affinités avec l'acheteur central. Il agit en coordination avec les autres Chefs produits. Leur zone d'action est aussi l'Europe.
- Les Chefs des ventes des filiales, la liaison, voire la négociation avec les gros clients de leur territoire.
- Les Vendeurs sympas multiproduits gèrent les clients moyens d'une fraction du territoire de leur filiale. Ils sont hiérarchiquement animés par les Chefs de ventes de leur filiale.
- Les Spécialisés sont suivis par un Expert de leur métier. Leur périmètre d'action peut concerner plusieurs filiales et, compte tenu du caractère pointu des produits concernés, ils ont un lien fonctionnel direct avec les Chefs produits impliqués.
Les Chefs produits harmonisent leurs politiques entre eux et en liaison avec les Directeurs de département. Ils donnent leurs directives aux Chefs de ventes.
Le contexte :
Une société nationale importante dans son activité d'imprimerie dessert une très nombreuse clientèle de tailles très variable. Ses produits sont personnalisés aux normes de ses clients, mais sont faciles à contretyper ce qui en fait des commodités sans grande importance stratégique ou économique pour leurs acheteurs.
Face à une offre pléthorique, beaucoup passent souvent leurs commandes au fournisseur présent au bon moment.
Les clients ont été classés dans les types suivants :
• Les "Préférés" sont les clients fidélisés qui préviennent lorsqu'ils ont un besoin et qui se contentent de vérifier périodiquement la compétitivité de l'offre. Il leur faut environ deux visites par an d'un vendeur pour maintenir un contact personnalisé et, au téléphone, une assistante disponible lorsqu'il doit renouveler son stock.
• Les "Nursery" sont les nouveaux clients pour lesquels il a fallu engager des frais de mise au point difficile à amortir sur les premières commandes : il est primordial de les fidéliser. Pour cela, le client doit être contacté relativement fréquemment … et ses premières livraisons surveillées de particulièrement près.
• Les "Mammouths" sont de grandes entreprises avec un service central d'achat qui passent des contrats annuels après des négociations serrées.
• Les "Petits" : le montant des commandes ne justifie pas une visite systématique par un vendeur pour obtenir un renouvellement, mais ils ont tendance à passer leur commande au dernier moment … au fournisseur présent à ce moment-là.
La solution
Les Mammouths ont été pris en charge par les cinq Directeurs de Clientèle qui sont les hiérarchiques régionaux des Commerciaux Terrains.
Les Nursery sont confiés aux quelques Ingénieurs commerciaux qui ont étudié la personnalisation du produit avec le client afin que la conformité au cahier des charges soit bien respectée pour la première livraison … car lors du renouvellement ce risque est faible.
Les Petits ont été confiés à des télécommerciales avec la mise en place d'un outil les alertant lorsqu'un renouvellement devient probable.
Les Commerciaux Terrains se sont vus assignés plusieurs missions :
- prospecter les clients potentiels de leur zone pour identifier ceux qui, devenant des Nursery seront confiés aux Ingénieurs commerciaux sous leur supervision,
— Intervenir, à la demande des Télécommerciales, pour résoudre ponctuellement une difficulté chez un petit.
— Assurer les deux visites annuelles chez les Préférés cependant que les Télécommerciales gardent le contact au quotidien.
A noter que cette organisation a conduit progressivement à faire que le classique trinôme 2 vendeurs locaux + 1 assistante devienne un trio dont le responsable est la télécommerciale pilotant deux Commerciaux Terrains. Son temps se partage alors entre l'étude du portefeuille de commandes pour identifier les clients qui doivent avoir un besoin prochainement et à traiter les incidents. Elle décide, en conséquence, du programme des interventions des Commerciaux Terrains en donnant la priorité aux réclamations, puis aux Préférés, enfin à la prospection. Le reste de son temps est consacré aux petits clients (à forte marge).
Les responsabilités et pouvoirs ont été précisés selon les principes généraux de l'organisation.
Sous le nom de distributeur se regroupent, deux types d'intermédiaires similaires dans leurs fonctions, mais très différents aux yeux des producteurs, l'un est un véritable client, l'autre un élément du réseau de distribution ayant une indépendance juridique, mais pas opérationnelle.
Dans ce premier cas, le distributeur est presque toujours exclusif vis-à-vis de son fournisseur.
Il est clair que la politique commerciale que l'on doit mener n'est pas du tout la même pour les deux types : la première série relève d'une coopération intense. Le deuxième type peut pratiquer tous les modes de politique achat que l'on peut imaginer* appelant des politiques commerciales variées.
Il arrive qu'une entreprise, assez rarement, il est vrai, décide de mettre en place plusieurs réseaux commerciaux pour atteindre la clientèle : un des cas le plus connu est celui de groupes automobiles.
On peut se livrer à quelques spéculations sur les conditions d'une telle cohabitation.
Il est possible de décider de mettre en place un ou plusieurs réseaux qui peuvent se voir affecter la prospection de la même clientèle ou de segments différents. Chacun de ces réseaux peut en outre proposer la même gamme ou des offres différentiées : il en résulte huit cas de figure possibles.
Le tableau ci-dessus résume les différents cas de figure envisageables. Mais toutes les formules ne sont pas également judicieuses …
Dans la solution 000, un seul se voit affecter un type de clientèle bien défini avec une offre spécifique : c'est le cas le plus fréquent. Il n'y a pas de concurrence entre les deux réseaux. On peut trouver ce cas dans un laboratoire pharmaceutique qui propose une gamme de médicaments qui ne peuvent être prescrits qu'à l'hôpital et une autre autorisée aux généralistes.
001 correspond au cas d'un réseau unique dont la clientèle est bien définie et à laquelle il propose plusieurs offres : c'est le cas d'un vendeur multicartes limité à un territoire précis. Il faut une bonne formation du réseau pour être compétent sur les deux offres.
010 est une solution intéressante, car les deux réseaux proposent certes la même offre, mais pas chez les mêmes clients … ce qui permet de concevoir des réseaux dont les caractéristiques (qualification, territoire, … ) sont différentes pour mieux s'adapter à celles de chacun des segments de clientèle
011 est une formule coûteuse, car le même client est prospecté par deux vendeurs avec deux offres différentes.
100 dans ce cas, un seul réseau propose une seule offre à une clientèle indéfinie. Il en résulte un gros gaspillage d'énergie parce que les vendeurs n'ont pas de cibles claires : c'est le cas de société dont le marketing est déficient … cas beaucoup plus fréquent que l'on ne peut l'imaginer en particulier lorsque le champ d'actions de chaque commerçant est mal défini ou au nom de la vertu supposé de la concurrence interne.
101 cette formule revient à la précédente … en pire, car le réseau a deux offres à promouvoir.
110 encore pire parce que deux réseaux travaillent dans la plus grande confusion.
111 la situation est celle qui mérite que son concepteur en explique la logique ... si on n'est pas en présence d'un monopole.
Au total seules deux solutions autre que la classique sont envisageables :
• Confier deux offres à un même réseau parce qu'elles concernent une même clientèle est une manière de diminuer le coût de commercialisation … à la condition que cela ne diminue pas l'efficacité du vendeur.
• Concevoir un système de réseaux pour couvrir différemment les divers types de clientèle afin d'être mieux adapté à chacun est une formule séduisante … à la condition que chaque segment de clientèle soit d'une taille suffisante pour justifier le surcoût.