L'organisation vise à articuler le fonctionnement des membres du personnel en un ensemble performant.
La définition de processus qui n'oublient aucune tâche utile au client et qui élimine les doublons ainsi qu'un partage des responsabilité qui valorise au mieux les compétences de chacun sont des opérations nécessaires, mais qui restent du domaine de la technique et de l'objectif.
Il faut aussi prendre en compte la dimension humaine des choses avec les irrationnels composés de préférences relationnelles ou de type de travail. Des collaborateurs épanouis sont un formidable levier de compétitivité. Au jour le jour, un chef doit plus s'appuyer sur son autorité reconnue que sur la soumission à son pouvoir.
Une organisation ne peut ni ne doit prévoir tous les cas qui peuvent se présenter : il faut surtout "organiser" le répétitif et convenir de règles plus générales pour traiter les aléas.
Il s'agit, en quelque sorte, de définir les lois cadres qui régiront la manière de coopérer lorsque la situation rencontrée ne rentre pas dans les cas définis par les processus. Ce sont des règles du jeu qui peuvent s'appliquer à de multiples cas particuliers.
Pour aider à comprendre de quoi il s'agit : un exemple de jeu de règles que nous avions défini avec un client :
-
Chaque membre de l'équipe est responsable de sa mission, mais l'intérêt de l'ensemble est l'objectif final
-
L'entraide spontanée apporte de la souplesse, mais sans remettre en cause la rigueur
-
Chacun a le droit et le devoir de s'exprimer sur tous les sujets, mais ne gère que ses problèmes
-
Toute divergence se règle d'abord par le dialogue entre pairs puis par l'arbitrage de la hiérarchie
-
L'individu est intelligent, mais demander conseil en est un signe, car seul le petit groupe est génial
-
Chacun a accès à toute l'information disponible, mais ne fait preuve ni d'ingérence ni de curiosité
-
Etre responsable ne dispense pas d'informer et de dialoguer pour mieux juger
-
Informer qui de droit et aussi important que d'être informé utilement
-
Trouver la cause et résoudre le problème est plus important que d'identifier le fautif
-
Une procédure pour le répétitif, mais un petit groupe pour les décisions délicates
-
Chacun a ses raisons qui sont respectables, ce qui ne veut pas dire qu'il a raison
-
Le travail est un moyen qui coûte, le résultat atteint est générateur de valeur
Un autre exemple de règles choisies par une équipe dirigeante :
-
Chacun des membres de l'équipe dirigeante est en charge d'une fonction : l'intérêt de l'ensemble est l'objectif final.
-
En réunion, chacun a le droit et le devoir de s'exprimer sur tous les sujets, mais chacun s'occupe ensuite de ses problèmes.
-
Chacun a, par principe, accès à toute l'information disponible, mais ne fait preuve ni d'ingérence ni de curiosité.>
-
Toutes divergences de vue entre membres se règlent normalement entre alter ego, mais le recours du Directeur peut être demandé.
-
L'esprit de coopération est plus important que le respect formel des règles.
-
Chacun a ses raisons qui sont respectables … ce qui ne veut pas dire qu'il a raison.
-
Les désaccords au sein du Comité de Direction restent confidentiels.
Chaque équipe pluridisciplinaire choisit son jeu de règles en fonction de sa situation particulière et n'esquive pas les points douloureux qui font que le fonctionnement actuel n'est pas harmonieux. Ces règles peuvent, sans problème, inclure des considérations éthiques concernant pas exemple les ristournes douteuses ou le devoir d'entraide entre les membres de l'équipe.
Pour apporter de la souplesse opérationnelle, une équipe dirigeante ou pluridisciplinaire peut décider qu’entre eux les frontières sont bien définies, mais "élastiques".
Chacun peut, momentanément, décider de réduire l'étendue de son territoire en “tirant” sur sa frontière élastique au profit et avec l'accord de son voisin qui l’occupe alors, mais cette frontière ne peut être “poussée” par e dernier (d’où son caractère de “sens unique”) et reprend sa place originelle dès que le propriétaire relâche l'élastique.
Un tel mouvement, en cas de surcharge d’un responsable, permet l’entraide entre collègue sans crainte d’envahissement définitif.
Pour expliquer les modes de fonctionnement souhaités par une équipe pluridisciplinaire, on peut recourir à des analogies.
On a souvent comparé l'entreprise à une course de relais dans lequel les fonctions s'enchaînent : recherche ⇒ développement ⇒ production ⇒ commerciaux. Mais il s'agit d'une vision linéaire qui ne correspond pas à la réalité du monde actuel.
C'est pourquoi, l'image du pack de rugby est plus pertinente et ne demande pas plus d'explications que ce qui est exprimé ci-dessus.
Une autre analogie peut être trouvée avec l'équipe de rafting qui descend un torrent plein d'obstacle.
Plusieurs itinéraires sont possibles et il faut se mettre très rapidement d'accord si l'on passe à gauche ou à droite du prochain rocher ! Si l'équipe se divise à ce sujet, on est certain d'y aller tout droit.
Pour cela, contrairement à une équipe d'aviron, chacun doit juger, en fonction des tourbillons dans lesquels plonge sa pagaie, du geste adapter : ramer en avant ou en arrière ou s'en servir comme une dérive ou s'abstenir de tout mouvement … tout cela en fonction de ce que font les autres et de l'évolution de l'environnement de la rivière … dont l'écoulement est, comme dans le monde des affaires, chaotique*.
Il est en outre bien clair que si l'un des membres commet une fausse manœuvre, il est inutile de récriminer (tant que l'on est dans le passage turbulent !) : il faut immédiatement que tous les autres adaptent les gestes pour compenser l'erreur … au besoin en redoublant d'effort.<
Un problème souvent rencontré dans l'entreprise est la rivalité qui existe entre des fonctions qui ont les mêmes champs d'actions. Un cas typique est celui du chef produit responsable d'une gamme de produits et/ou service, vis-à-vis du responsable hiérarchique des commerciaux (chef des ventes) ou des agents de la production (directeur d'usine pluriproduits) ou des services partagés avec d'autres lignes de produit (R&D ou juridique ou …). Il faut concilier l'intérêt général de la ligne de produit avec la cohérence locale des fonctions.
La comparaison avec l'orchestre de jazz peut aider à comprendre l'importance d'un partage clair des responsabilités. Certes, c'est le compositeur (chef produit) qui défini les règles du jeu (objectifs et politiques par exemple), mais il doit laisser les responsables locaux (chefs d'orchestres) donner leur colorature à la partition … même si cela ne correspond pas exactement à ce qu'il avait imaginé (ce qui ne le dispense pas d'exprimer sa pensée d'une manière plus claire).
J'ai choisi un orchestre de jazz et non un orchestre classique afin de donner un plus grand degré de liberté aux musiciens qui peuvent, au cours du concert, avoir le droit de se livrer à un solo improvisé … mais qui doit rester dans le thème du compositeur et dans le style du chef d'orchestre.
C'est une manière d'expliciter une règle du jeu illustrant le principe de subsidiarité qui permet la délégation maximum.