La "Recherche" doit viser à créer une rupture dans l'activité que ce soit en agissant sur les procédés pour abaisser sensiblement les coûts de production ou sur le serpro pour en améliorer très nettement la valeur pour ses utilisateurs : à titre de repère, on peut retenir comme objectif de pouvoir baisser les coûts de moitié ou de valoriser le nouveau produit au double de l'existant. Ces bouleversements ont souvent leur source au sein de l'entreprise à partir d'une idée d'exploitation d'une propriété technique inédite.
Il existe aussi des études d'améliorations, non négligeables, qui ne relèvent pas du niveau stratégique, mais opérationnel. Ces gains incrémentaux sont plutôt de l'innovation que de la recherche et sont plus souvent inspirées par des demandes de clients pour résoudre des préoccupations immédiates.
Lorsque l'on dépense 1€ en recherche, il faut généralement prévoir ensuite 10€ pour le développement puis 100€ pour l'industrialisation.
Dans la comptabilité générale, les dépenses de R&D passent presque toujours en dépenses de fonctionnement. En réalité, il s'agit d'investissements (contrairement aux coûts de l'assistance technique) : décider de leur réduction doit être étudiée au chapitre effet à long terme et non économie immédiate.
La R&D dépend de l'Orientation Stratégique choisie pour l'activité, mais l'état de la R&D et ses évolutions plausibles sont des paramètres pris en compte pour choisir cette Orientation.
On ne lance pas une recherche sans avoir déjà une forte maîtrise des fondamentaux scientifiques du domaine concerné et d'une longue pratique qui génère l'expérience. Il faut disposer des facteurs clé de succès des technologies à mettre en œuvre pour avoir une chance de "trouver" et avoir une compréhension des concepts scientifiques qui les sous-tendent. Seule cette connaissance permet d'anticiper les chances de succès d'un projet de recherche.
Le réseau d'expertise doit aussi bien englober des spécialistes des sciences de base (professeurs d'université, chercheurs fondamentaux) que des partenaires équipés d'outils d'analyse ou de mesure coûteux et rares. Ils apporteront des conseils éclairants sur les difficultés rencontrées ou une contribution directe aux essais ou …
Lorsque l'on n'est pas en présence d'un conglomérat, une entreprise agit dans un champ d'activités aux contours plus ou moins définis (métallurgie, distribution, luxe, chimie, banque, … ). Elle doit être capable, sinon de maîtriser, du moins de comprendre toutes les recherches qui se passent dans cet espace pour être capable de déceler pour pouvoir anticiper ce qui, se passant à ses frontières, pourrait perturber ses propres affaires.
Ce champ n'est pour autant un ensemble homogène : il faut identifier les divers Domaines de Recherches dans lesquels il faudra être compétent en décidant ceux qui sont cruciaux pour le savoir-faire de l'entreprise et dans lesquels il faudra développer une compétence propre et ceux qui pourront être externalisés.
Parmi les Domaines cruciaux certains le sont parce qu'il s'agit d'une technologie propre au champ ou à un DAS particulier et dont il convient le plus souvent de protéger le savoir vis-à-vis des concurrents, d'autres sont des outils partagés comme par exemple des appareillages d'analyses dans le monde industriel ou des progiciels spécialisés dans la banque : ce sont alors des considérations économiques qui dominent. Dans tous les cas, il faut décider de ce que l'on va investir et de ce que l'on va simplement acheter … sans risque de dévoiler des informations essentielles.
Il est bien rare que ce que l'on fait dans le domaine de la recherche ne présente pas un caractère confidentiel … dont il faut tenir compte lorsque l'on conçoit son réseau de compétence : il y aura d'une part les experts des savoirs cruciaux (professeurs d'université ou analogues) qui conduisent les recherches fondamentales qui engendreront les applications de demain et tous ceux qui peuvent aider à améliorer le coût global et le délai de réalisation de la recherche. Il y a là un subtil mélange de confiance et de prudence dans le choix de ces partenaires.
La R&D, en entreprise, doit permettre d'augmenter la valeur ajoutée des offres actuelles. Cet objectif peut être atteint :
- soit en abaissant son coût d'élaboration,
- soit en augmentant sa valeur d'usage par le client qui sera alors disposé à la payer, momentanément, plus cher.
Abaisser le coût de production de l'offre doit donc concerner les procédés de fabrication (cheminement, fiabilité, …) et les matières premières (rareté, rendement, …), mais peut aussi viser à éliminer du novalNoval = Ceux des produits et services qui ne peuvent être évités, mais qui ne permettent pas au client d'enrichir son offre. de l'offre.
La recherche d'un serpro Serpro = Ceux des produits et services qui permettent au client de créer de la valeur. tout à fait nouveau (fonctionnalités nouvelles, aisance de mise en œuvre, …) n'a de sens que s'il disposera non seulement de performances très supérieures à l'existant, mais aussi d'une demande potentielle importante et solvable au niveau de prix visé … ce qui demande un lien fort avec le marketing.
Pour imaginer un produit nouveau, on peut utiliser l'outil de "l'extrapolation indirecte" :
- expliciter les fonctions du produit actuel qui satisfont les clients et celles qui sont inutilisées,
- anticiper leur évolution naturelle du fait du progrès technique encours,
- rajouter les nouvelles fonctions qui seront désirées par les clients,
… le cahier des besoins du nouveau produit est défini.
Chaque projet de recherche est présenté au comité de direction : avantage espéré pour l'entreprise et/ou les clients, difficultés prévisibles, solutions plausibles pour les surmonter. Celui-ci sélectionne les quelques thèmes à retenir en fonction de leurs attraits (activité générée, …) et de nos atouts (maîtrise des facteurs de succès non seulement techniques, mais aussi marketing, industriels et commerciaux) d'où la nécessité d'un choix par une équipe pluridisciplinaire.
Le chef de projet n'est pas forcément un chercheur, mais le manager d'une équipe constituée de permanents et de temporaires qu'il doit savoir mobiliser vers l'atteinte du résultat (à expliciter dans une lettre de mission). Il rend compte de l'avancée du projet tous les 3 ou 4 mois. Il est appuyé par un parrain, souvent le directeur de la R&D lui-même.
L'évaluation de la performance n'est pas facile : comment évaluer les retombées d'une recherche ? Il faut, même au prix d'une certaine approximation, s'efforcer de quantifier les avantages générés pour vérifier que la recherche génère bien au moins deux fois plus de valeur que son coût.
Dans la mesure où la recherche a pour objectif de générer des ruptures, il faut que ses acteurs soient créatifs (dont comprendre suffisamment de jeunes faisant preuve de curiosité au-delà de leur technique) et capable d'œuvrer au sein d'une équipe.
En entreprise, le directeur R&D ne peut se contenter d'être un bon technicien connaissant ses activités, il lui faut aussi une double sensibilité stratégique et marketing ainsi qu'une aptitude à la gestion et au management. Les découvertes se font souvent à la frontière des disciplines classiques : il est indispensable qu'il soit un homme à la culture large et curieuse pour être capable d'associations d'idées originales.
Par nature, le chercheur est, comme l'artiste créateur, un anxieux, le directeur R&D doit accepter de passer du temps à son écoute pour le sécuriser. Lorsqu'il s'agit de la perle rare du modèle "trouveur", il faut lui donner des signes de reconnaissances qui ne le propulsent pas dans des responsabilités de management qui le stériliseraient : la rémunération est un moyen fort (un bel expert peut très bien gagner plus que son patron hiérarchique) et on peut imaginer une gradation de titres basée sur la notion d'expertise indépendante de la taille des bataillons commandés.
S'il est demandé au chercheur d'être un expert technique de son domaine pour conduire méthodiquement sa recherche de la solution tout au long d'une série essais - échecs, il lui faut aussi de l'intuition (qui se situe dans le champ de l'irrationnel !) pour imaginer où a une chance de se trouver la solution. Il lui faut, un peu, une imagination d'artiste !
Un directeur scientifique, qui peut être ou non le directeur R&D, a pour mission d'aider à évaluer le plausible des difficultés et des solutions envisagées, mais aussi d'être le portail des contacts de l'entreprise avec tous les membres du réseau de compétences pouvant se révéler utiles.
Un de ses défis est de déceler, parmi les sujets de recherche qui lui seront proposés, ceux auquel il faudra accorder des moyens. Il est utile pour faire jaillir de telles idées innovantes de laisser aux chercheurs un petit temps de travail et de réflexions personnels (10% par exemple) : il faut donner du temps au cerveau pour y faire naître du nouveau …
Les trois grandes inconnues lorsque l'on lance un projet sont :
- La probabilité d'atteindre le résultat visé.
- La durée avant d'y arriver.
- Les coûts qu'il faudra y consacrer au fil des années.
Des spécialistes de la recherche ont constaté que le principe d'incertitude d'Heisenberg a son analogue en recherche : il est impossible de pouvoir répondre à plus de deux d'entre elles. La troisième est toujours indéterminable.
Le directeur R&D … et le comité de direction doivent donc avoir le sens du jeu et de la patience !
Puisque le choix des thèmes de recherche est l'une des incertitudes de cette fonction, il est judicieux de tenter de la réduire par une sélection méthodique des sujets plausibles.
Le premier stade est d'exprimer clairement la finalité poursuivie. Pour cela, dans l'entreprise, il est commode d'expliciter les avantages que le succès de la recherche procurera à l'entreprise (ex. : baisse du coût de production) et/ou au client (ex. : meilleurs processabilité).
Si l'on n'a aucune idée de la manière dont la solution peut être trouvée, il est inutile de poursuivre. Dans le cas contraire, un expert peut donner son avis sur la pertinence … mais sans oublier que l'on dit parfois : "ils ont trouvé parce qu'ils ne savaient pas que c'était impossible" !
Il faut aussi situer la recherche dans son contexte concurrentiel afin de ne pas risquer d'arriver trop tard (analyse des efforts de la concurrence).
Enfin, puisque l'on aura plus de sujets que de moyens (sinon il y a sclérose de l'équipe en place), il faut terminer par une analyse comparative de tous les thèmes plausibles en terme d'attraits et d'atouts.
Chaque activité doit choisir son jeu d'attraits en fonction de son Orientation Stratégique et de ses Politiques.
Ses atouts se déterminent face aux difficultés prévisibles.
Chaque critère fait l'objet d'une notation assortie d'un coefficient de pondération permettant de quantifier chaque projet pour les comparer.
Il y a donc un large appel à la subjectivité dans ces choix et il convient de faire attention à ne pas se laisser entraîner par ses préférences instinctives. Un travail en équipe pluridisciplinaire est recommandé pour accroître l'objectivité.
Chaque thème s'inscrira dans une matrice Attraits / Atouts selon sa notation relative par rapport aux autres sujets : un borgne à un atout au royaume des aveugles.
Sa position dans la matrice détermine largement son sort.