Mark@gement

un management humaniste tendu vers les clients

Rostand

Phénoménologie


La finalité de l’entreprise est de créer de la valeur. La part générée par les équipements (issue du capital) diminue au fur et à mesure de leur amortissement et s’use donc rapidement au fil du temps. Le travail humain est banal dès lors qu’il devient répétitif. L’essentiel de la valeur résulte de la quantité d’intelligence créatrice que l’organisation est capable d’insérer dans son offre, d’où l’importance de l’innovation.

Pour innover, il faut faire émerger des idées neuves, d’où la nécessité de comprendre comment susciter une nouvelle prise de conscience.

Le philosophe Husserl puis le neurologue Varela ont réfléchi à cette problématique de cognition et ont exprimé leur solution dans “l’épochè”. Ils ont identifié trois phases plus ou moins clairement séparées lors de l’émergence d’une nouvelle idée qu'il faudra ensuite pouvoir exprimer clairement :

  • La “suspension” correspond à une rupture avec notre attitude naturelle. Il faut réussir à quitter ses “autoroutes” de la pensée, ses automatismes de réflexion qui ne peuvent nous conduire qu’à nos idées habituelles. Trois types d’amorçages aident à provoquer cette rupture :
    • un événement extérieur déclencheur qui sème le doute,
    • une médiation d’un tiers qui questionne nos habitudes,
    • une injonction que l’on se donne à soi-même parce que l’on sent bien que nos réflexes sont insuffisants (dans cet ordre d'idées, on peut placer la pratique de la "lectio" dans les monastères : elle consiste à lire lentement un texte jusqu'à ce qu'un mot ou une phrase accroche … en déclenchant la phase suivante).

    Les séminaires de direction, les stages de formation sont souvent des moments privilégiés, mais trop rares pour être suffisants, pour permettre ce genre d’évolution de la pensée. Le changement de lieu, un exposé préliminaire par un tiers sont des moyens servant d’amorce pour la suspension.

    A noter que cette technique de l’épochè est un moyen de faire surgir des idées à titre individuel. Le plus souvent, ses diverses étapes sont parcourues d'une manière plus ou moins inconsciente lors de la plupart de nos discussions au fil des jours. Lorsque l’on est en groupe, le brainstorming en est une autre qui implique une sorte de délire à haute voix puisque qu’il faut dire tout ce qui vous passe par la tête.

  • La “conversion” correspond à une redirection de l’attention de l’extérieur vers l’intérieur, du monde vers soi-même : une intériorisation. Il s’agit d’un effort pour se soustraire au bruit de l’environnement afin de se rendre disponible à une écoute de soi-même.

  • Le “lâcher-prise” sera accueil de l’expérience dans une attitude passive, un état d’attention flottante dans un temps de silence. Il faut passer “d’aller chercher” à “laisser venir”. Dans cet esprit, pour permettre à son cerveau de trouver de nouveaux chemins, il faut arrêter de réfléchir explicitement, de forcer nos neurones à se connecter selon des itinéraires bien connus. Il faut rester dans une attitude ouverte à la problématique en cause, mais sans chercher à raisonner. Ce n’est pas une simple divagation de l’esprit ou une rêverie débridée : l’attention doit rester orientée vers le thème de la problématique.

  • L’“explicitation“ est la phase qui va permettre la mise au point d’une formulation raisonnée de ce qui a surgi (lorsqu’elle a surgi … si elle surgit) au terme du lâcher prise (nouvelle idée, sensation, émotion, ???) résultant de la prise de conscience nouvelle. Il s’agit de structurer les bribes de pensées qui ont pu apparaître pendant le lâcher prise. Elle est susceptible de développement au fil du temps au fur et à mesure que l’on arrive à découvrir de nouvelles facettes de cette nouveauté. A ce stade, la confrontation avec un autre est très utile (effet miroir, apport d'un expert, …).

    La principale pratique qu’un manager peut tirer de la connaissance de ce processus de la prise de conscience est de se réserver des moments de méditation pendant lesquels il convient de ne rien faire en renonçant à ruminer les difficultés qui encombrent le quotidien du moment.