Il existe des êtres mathématiques étranges dont les propriétés défient le sens commun.
Il y a bien sûr l’exemple de la tortue et d’Achille que les anciens n’ont pas su résoudre, car ils ignoraient comment démontrer que la somme d’une série sans fin peut tendre vers un nombre fini. Ils avaient cependant bien compris qu’un raisonnement apparemment juste pouvait conduire à une conclusion absurde. Un défaut souvent rencontré dans les affaires est la propension des managers, dans un souci de rapidité, à se précipiter sur la première solution envisageable au lieu de se focaliser d’abord sur la justesse de la formulation du problème.
La théorie du chaos offre d’autres exemples :
L’équation mathématique “logistique“ peut avoir un avenir parfaitement déterministe et tout aussi imprévisible,
Le “flocon de neige” fractal se définit par la simple démultiplication d’un triangle.
La facile relation de déclinaison d’une série mère de 1 ou de 0 génère au bout de quelques générations un nombre identique d’individus, mais dont la répartition est impossible à anticiper : l'automate.
Combien de fois dans l'entreprise, n'a-t-on assisté à des disputes fratricides lorsque deux responsables ont des intérêts antagonistes ! Chacun défend son activité avec l'énergie du désespoir, persuadé qu'il fait son devoir.
La théorie mathématique des ensembles démontre par le théorème de Bellman que l'optimum d'un ensemble ne correspond que rarement avec l'optimum de chacun de ses sous-ensembles. Il en résulte que si un responsable d'un sous-ensemble d'une entreprise arrive à maximiser son résultat … il n'a pu le faire, presque toujours, … qu'au détriment de l'optimum de l'entreprise.
Je sais bien que c'est une réaction humaine spontanée, mais j'ai constaté que lorsqu'un responsable, convaincu que la recherche de son optimum est bien ce que lui demande sa direction (les centres de profit !) est informé de son erreur mathématique, bien souvent, il rectifie son attitude … ou du moins ne continue pas sans avoir mauvaise conscience !
Dans l'exemple du dessin ci-dessus, on constate que chaque sous-ensemble est bien conforme à son cahier des charges (les roues sont bien rondes !), mais faute de la vision de l'intérêt supérieur, l'assemblage laisse à désirer !
Il faut aussi noter qu'un système complexe présente souvent des propriétés qui n'appartiennent pas à ses composantes : si cette propriété est bénéfique, ce sont tous les composants qui doivent contribuer à son émergence.
Au nom de la maximisation des résultats d'un sous-ensemble de l'entreprise, que d'énergie perdue en discussions stériles lorsque ces chicanes visent à transférer des valeurs de la poche de gauche dans la poche de droite, quitte à en perdre en chemin … et non de les générer par une offre aux tiers. Quelle illustration de l'égoïsme de ces responsables … ou de leur méconnaissance du théorème de Bellman !
Comment ne pas oublier que "tout cela c'est la même vache même si ce n'est pas le même pis ! "
Le patron qui m'a appris cette sentence ajoutait tout de même (nul n'est parfait !) : " … mais si vous pouvez traire le pis du voisin … !"
Il s'agit d'une formulation très simplifiée de ce théorème, mais une affirmation exacte.
Comme j'aime bien des exemples simples pour aider à la compréhension, je citerais le rapport de la circonférence au rayon qui est une réalité certaine qui existe, mais dont on ne peut connaître la valeur avec certitude. On peut penser de même à tous les chiffres irrationnels (2/3 !).
Il n'y a pas de raison pour que ce cas de figure n'existe pas en management. Face à une inconnue, le manager doit faire rechercher des informations, mais avoir le courage de décider sans tout connaître. Il faut alors qu'il ait la lucidité (quitte à se faire excuser par le théorème de Gödel !) de faire savoir à ses collaborateurs qu'elles sont les impasses qu'il a faites afin qu'ils soient particulièrement attentifs lorsqu'ils sont dans ces parages.
L’homme est capable de dépasser l’approche purement rationnelle en y rajoutant, d’une manière plus ou moins consciente, une dimension irrationnelle : la fonction psy de Allais en est un exemple. Elle est basée sur l’expérience suivante : On donne à une personne le choix entre deux possibilités : soit elle empoche tout de suite 1 euro, soit elle tire un papier dans un chapeau dans lequel il y a 10 papiers. Sur 9 de ces papiers, il est inscrit 10 euros, et elle les empoche si elle en tire un, et sur le dixième, il est inscrit zéro, et si elle le tire, elle repart, bredouille et perd sa mise.
Que doit-elle choisir ? Tout le monde ou presque préfère tirer dans le chapeau.
On lui propose alors de miser les 10 euros qu'elle vient de gagner selon les mêmes règles pour en empocher 100.
Même question avec 100 euros et 9 chances sur 10 d'avoir 1000 euros
Puis entre 1000 euros sûrs et 9 chances sur 10 d'empocher 10 000 euros
Et entre 1 million d'euros sûr et 9 chances sur 10 d'encaisser 10 millions d'euros.
Et ainsi de suite. Il y a un toujours un montant auquel la personne préfèrera empocher de façon sûre plutôt que de risquer de tout perdre même si elle a 9 chances sur 10 d'empocher un montant 10 fois supérieur.
Ce montant est différent pour chacun. Il dépend de facteurs objectifs, comme la situation financière de la personne, mais aussi de facteurs subjectifs, comme son goût du risque. C'est la fonction psy d'Allais.
A un certain niveau, l'être humain choisira la certitude face au risque. A l'inverse, un ordinateur, qui n’est que rationnel, choisira toujours l'espérance de gain la plus forte, c'est-à-dire qu'il tirera toujours dans le chapeau, l'espérance de gain étant toujours 9 fois supérieure avec dix de multiplication ... jusqu’à ce qu’il perde.
L'être humain aura eu raison contre les probabilités, car il peut considérer qu'à un certain niveau, tous ses besoins financiers pourront être satisfaits, et qu'au-delà, c'est du superflu qui ne vaut plus le risque.
L'homme est plus intelligent que les statistiques …