Au cours de ma carrière, aussi bien en entreprise qu'en opération de conseil, j'ai été conduit à piloter la réalisation d'une petite centaine de "plan marketing" pour lesquels, j'ai progressivement développé une méthodologie d'élaboration.
C'est en prenant la responsabilité du service marketing d'un grand groupe de chimie que j'ai été chargé de "faire élaborer des plan marketing par chacun des départements opérationnels de la société". Lorsque j'ai demandé à mon patron ce qu'il entendait par plan marketing, il m'a promis un modèle … qu'il n'a jamais retrouvé!
Il était clair que ce plan n'était pas le "plan à cinq ans" qui fleurissait alors et qui perdure sous le nom de "business plan" : ensemble chiffré calculant le résultat à partir d'hypothèses peu discutées.
Je me suis donc basé sur mon expérience antérieure (trois postes opérationnels au cours desquels j'avais élaboré des plans "à l'instinct" et sur quelques rencontres avec des universitaires qui ne m'ont pas convaincues car je ne retrouvais pas une vision éclairante de mon vécu antérieur et qu'il s'agissait de définir les actions directement à partir des objectifs.
Le stade intermédiaire que, depuis, j'ai dénommé l'explicitation des politiques commerciales (manières de faire avec ses interlocuteurs) et des offres était occultée alors que je l'avais vécu comme essentielle dans mes fonctions antérieures de chef produit puis responsable d'une filiale enfin à la tête d'un commando de développement.
C'est donc petit à petit que toute l'approche présentée ici s'est mise au point, affinée par des remarques de clients puis de stagiaires lorsque que je l'ai enseignée à quelques milliers de cadres de haut niveau.
On peut illustrer les différences entre les notions de stratégie, politique et tactique par l'exemple de la première guerre du Golfe.
- L'Orientation Stratégique* qui a été fixée à l'état-major a été : faire évacuer le Koweït en détruisant suffisamment l'armée irakienne pour qu'elle ne puisse recommencer rapidement, mais sans l'affaiblir au point d'en faire une proie trop tentante pour ses voisins. Une contrainte a été imposée : minimiser les pertes humaines de "boys".
- Il a alors fallu organiser les opérations, ce qui a demandé de définir une politique d'attaque, puis d'acheminer les moyens correspondant enfin de définir le détail des mouvements tactiques. C'est pourquoi, pendant six mois, il ne s'est apparemment rien passé : une opération ne s'improvise pas et demande beaucoup de travail préliminaire !
Pour respecter la contrainte concernant les pertes humaines, c'est le combat de l'épée contre le poignard qui a été choisie : utiliser une arme d'une portée supérieure à celle de l'adversaire pour le frapper en restant hors d'atteinte.
L'outil irakien à plus longue portée était ses radars : pendant plusieurs jours, ils ont été submergés par des leurres électroniques qui faisant croire à leurs servants qu'une horde d'avions leur arrivait dessus avant de s'évanouir lorsqu'ils arrivaient à distance de tir de la DCA. Au bout de nombreuses fausses alertes, l'attention et la rapidité de réaction étaient fortement émoussés. C'est alors, qu'au milieu de ces avions virtuel, c'est glisser un missile qui a atteint le radar … sans risque pour les attaquants.
Tout aussitôt les avions ont été cloués au sol en neutralisant les pistes par des obus perforants à explosion retardée et aléatoire pour perturber leur réparation. Mais curieusement, après plusieurs jours d'attaque, une centaine d'avions irakiens ont pu gagner l'Iran sans être inquiétés : ne pas détruire toute la force ennemie …
L'aviation neutralisée, l'arme à plus longue portée devient l'artillerie … qui a été soumise aux assauts des missiles et de l'aviation jusqu'à être réduite au silence.
Les tanks ont alors été soumis à l'aviation et à l'artillerie sans pouvoir réagir.
Il ne restait plus que l'infanterie qui a été écrasée par l'aviation, l'artillerie et les chars.
La tactique a aussi contribué à la contrainte de préserver une partie des forces irakienne. En occupant bruyamment un îlot au nord du golfe, le gros des forces irakiennes y a été attiré, mais lorsque l'attaque contre l'infanterie s'est déclenchée, on a surtout entendu parler de la division Daguet qui remontait dans un désert inoccupé à mi-chemin entre Bagdad et la mer pour éviter que des renforts y soient acheminés : ces renforts n'ont jamais été attaqués. De même, une division entière a pu franchir l'Euphrate sur un pont de fortune sans que celui-ci soit détruit.
Toutes choses égales par ailleurs, le plan marketing a pour objectif de préparer les opérations à mener non pas contre les clients, mais pour eux … c'est une fameuse différence avec la guerre.