En marketing, on évoque souvent l'outil de la segmentation, mais en confondant les notions de typologie et de segmentation proprement dite.
La segmentation est une fragmentation d'une grandeur en un certain nombre de segments. Elle se réalise donc selon un seul critère visant à placer les limites aux points de discontinuité. Dans le cas d'une clientèle, on va ainsi la segmenter selon la taille du chiffre d'affaires ou selon leur éloignement du producteur ou selon leur nationalité ou selon leur langue ou … Chaque client va ainsi se trouver décrit par toute une série de critères dont certains d'importance tout à fait secondaire pour lui alors qu'ils seront primordiaux pour un autre. Sa caractérisation ne dépendra que d'un nombre limité d'entre eux.
Autour de ces différents jeux de critères structurants, on pourra définir des types permettant de rassembler autour de silhouettes des sous-ensembles homogènes d'individus qui se ressemblent.
Le plus souvent ce sont les typologies qui ont du sens pour guider l'action alors les segmentations ne servent qu'à l'analyse.
Une typologie n'a de sens qu'en fonction de la finalité pour laquelle elle servira comme le choix d'une orientation à long terme ou d'une gamme d'applications - serprosSerpro = Ceux des produits et services qui permettent au client de créer de la valeur. à servir ou d'une politique commerciale à moyen terme ou d'une tactique à court terme.
Le critère qui caractérisera cette finalité sera commun à tous les segments : rapport de force ou rentabilité ou comportement d'achat ou évolution du portefeuille ou …
Pour être capable de découper l'ensemble en sous-ensembles dont le contenu sera homogène vis-à-vis du critère de finalité, il faut d'abord l'analyser selon tout critère susceptible d'expliquer son fonctionnement vis-à-vis de la finalité afin d'atteindre une compréhension plus globale.
Le découpage se fait alors, par une combinatoire des critères les plus structurants, de manière à maximiser l'hétérogénéité entre les segments et maximiser l'homogénéité en leur sein.
La figure ci-dessus illustre la manière dont des éclairages d'une réalité selon un point de vue différents peuvent à la fois donner individuellement une idée très réductrice et collectivement très parlante de l'ensemble.
Lorsque l'on demande comment trois personnes différentes peuvent décrire un même objet comme un rectangle, un ovale ou un triangle, il faut un bon moment pour passer d'une perception plane à une vision dans l'espace qui concilie les trois points de vue.
Le rôle des critères de compréhension est de "photographier" l'objet de notre préoccupation de manière à s'en faire une image mentale cohérente qui ne se réduit à aucun d'eux, mais qui n'en rejette aucun. En quelque sorte, on peut dire que les critères expriment ce que l'on sait et que la perception synthétique en est la compréhension.
La démarche s'effectue en trois étapes :
- d'abord identifier la finalité : à quoi va servir cette typologie,
- puis exposer tout ce que l'on sait selon tous les critères qui peuvent exprimer une facette de la réalité,
- enfin repérer les critères autour desquels certains peuvent être regroupés : les structurants.
Pour aider à identifier les différents types d'une population, on peut faire appel à un théorème de la théorie des ensembles qui explique que pour avoir des types aussi homogènes que possible entre les individus constituant un type, il faut et il suffit que les divers types soient aussi différents que possible les uns des autres.
Pratiquement, on peut chercher à regrouper pour former une "silhouette type" soit des individus qui se ressemblent, soit d'autres qui sont différents des … autres.
Dans la pratique, lorsque l'on est face à une population, il faut identifier un premier groupe d'êtres qui se ressemblent suffisamment pour constituer un segment sur la base d'un jeu de critères.
Le problème qui se pose alors est de considérer la seule population restante pour y trouver un autre sous-ensemble homogène selon le critère de finalité. Habituellement, il faut prendre, pour le définir, un autre jeu de critère que celui du premier afin de ne pas introduire d'homogénéité entre les segments afin que leur contenu le soit.
A chaque fois, il ne faut considérer que la population restante sans se préoccuper de la manière dont les précédents ont été sélectionnés.
On peut penser que l'exploitation, le cas échéant, des potentialités du big-data et de l'intelligence artificielle soit une aide à l'identification de critères structurants, voire mettre en évidence un type homogène relevant d'une même solution qui sera proposée à un individu donné caractérisé pas les données qu'il aura abandonnées sur le Net.
Un exemple pour illustrer cette approche en réfléchissant à une population de client pour lesquels on s'interroge sur le style de politique commerciale à leur appliquer (critère de finalité).
- Un premier segment peut être aisément caractérisé : ils achètent en spot un produit banalisé au plus bas prix possible
- Sur la base d'un critère financier, on peut aussi isoler des sociétés qui appartiennent au même groupe que nous et qui sont libres de s'approvisionner où elles … pourvu que ce soit chez nous.
- A l'inverse, sur la base du même critère capitalistique, les filiales de nos concurrents peuvent avoir interdiction de s'approvisionner chez nous.
- Un grand ensemble peut ensuite être constitué d'acheteurs sérieux.
- Un segment plus petit peut être constitué d'entreprises dont les achats sont, en pratique, totalement prédéfinis par des techniciens qui ne laissent aucun degré de liberté au service achat : les Technos.
- Un autre peut être fonction de notre orientation stratégique : si nous voulons nous développer très rapidement, il peut être judicieux d'entrer en résonance avec des clients qui ont la même problématique de développement rapide.
- On peut aussi avoir à tenir compte d'une contrainte interne qui obligera à mettre dans un même segment tous les clients financièrement fragiles puisque l'on aura interdiction de travailler avec eux.
- Enfin, certains peuvent être conduits à commander dans l'urgence (les SOS) … en se livrant pieds et poings liés au fournisseur.
Le schéma ci-dessus montre comment des segments peuvent être une fraction extraite d'un segment plus vaste (ex : les Technos sont un cas particulier des Sérieux; les SOS peuvent recouvrir tous les segments dont ils perdent au moins momentanément le rattachement). La segmentation se réalise par exclusions successives et il faut décider du jeu des priorités.
Il ne faut cependant pas oublier qu'une typologie pour expliquer une population est évidemment une certaine simplification de la réalité et qu'il peut toujours subsister un "reste" qui pourra être très hétérogène.
La typologie est un outil très utilisé pour réussir à comprendre un problème.
Au niveau stratégique, l'identification des activités de l'entreprise qui sont autonomes les unes par rapport aux autres est un exercice indispensable qui conduit à la définition des DAS. Lors de la mise en œuvre de l'orientation, il faut réussir, en R&D, à expliciter les axes d'efforts qui fédéreront des recherches plus élémentaires ; pour l'organisation, il faut choisir quel sera le périmètre de chacune des cellules hiérarchiques.
La détermination d'une typologie de la clientèle est l'exercice cœur du plan marketing ; la gamme de produit à proposer demande aussi de procéder à une typologie des besoins techniques des clients pour décider quels sont ceux que l'on voudra servir … avec la gamme de base la plus étroite possible (qui tiendra compte des technologies utilisées par les clients) afin d'allonger les séries de production.
Au plan tactique, il faut classifier nos clients en fonction des commandes que l'on souhaite se voir confier par chacun d'eux.
Le tableau précédent cite une série de typologies dont peur avoir besoin un responsable marketing, mais bien d’autres peuvent utiliser cet outil.
Elles différeront selon les diverses problématiques à résoudre (critère de finalité). La somme des types retenus pour une finalité donnée ne couvrent souvent pas la totalité des cas théoriques, mais l’expérience montre qu’elle permet de traiter d’une manière bien adaptée et différentiée plus de 95% d’entre eux. Pour les autres, on fera du sur-mesures …
Le tableau ci-dessus donne quelques exemples, mais il peut en exister bien d'autres comme l'analyse des actionnaires, la classification des systèmes prescripteurs dans le domaine du bâtiment, le choix du type de maintenance pour des équipements, …
C'est un outil qu'il faut apprendre à bien maîtriser, car il est opérationnel là où beaucoup de segmentations ne sont que des moyens de conduire une analyse : la confusion est trop fréquente entre les deux.